dimanche 5 février 2012

Nyamko Sabuni : « Je me sens congolaise, et fière d’être suédoise »

juin 2007
  • Réalisé à Stockholm |

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Dans cette interview qu’elle aborde sans complexe et à cœur ouvert, la Ministre suédoise de l’Intégration lève avec bonheur un coin de voile sur sa personnalité réelle. Et cet altruisme évident qui a sans doute entraîné «l’effet papillon» qu’on connaît aujourd’hui.

grande bassam

Comment pensez-vous que la politique d’immigration doit être élaborée dans le large contexte européen ?
L’accueil des réfugiés doit être organisé de telle façon que l’Union Européenne soit communément responsable des demandeurs d’asile qui viennent en Europe. Des règles communautaires devraient établir des niveaux minima, afin que les pays qui veulent faire davantage — c’est-à-dire ceux qui ont des mesures plus généreuses en matière d’immigration— puissent réaliser leurs objectifs. Mon opinion et celle du gouvernement est que l’accueil des réfugiés devrait aller de pair avec la main d’œuvre étrangère. D’une part, afin de stimuler les flots migratoires qui n’ont pas besoin d’être assimilés au courant des réfugiés ; d’autre part, parce que la démographie européenne l’exige, et enfin parce que je suis convaincue qu’une immigration combinée est meilleure pour l’intégration.

Avez-vous un souvenir d’enfance de votre arrivée en Suède avec vos parents et qui vous aurait marqué aujourd’hui ?
Les maigres espoirs que mes enseignants nourrissaient à mon encontre. En tant qu’immigrée avec une autre langue maternelle que le suédois, mes enseignants estimaient que je manquais de potentiel pour réussir mieux que je ne le faisais. Ils étaient satisfaits tant que j’avais des “mention Bien”. J’aurais aimé avoir quelqu’un qui me “pousse” un peu. Je suis convaincue que ce cran faisait aussi défaut à mes parents car ils ne comprenaient pas le système suédois de notation. Ils ne comprenaient pas la différence entre “mention Bien” et ”mention Très Bien”. Ces espoirs médiocres ont fait qu’aujourd’hui, je ne me fie pas au jugement d’autrui, que ce soit sur mes capacités ou sur mes prestations. Je ne porte de jugement que sur moi-même.

Avez-vous déjà rencontré Condolezza Rice, la ministre des Affaires Étrangères américaine, et que répondez-vous à ceux qui veulent établir des comparaisons entre vous et votre homologue américaine ?
Non. Condolezza Rice est l’une des politiciennes plus intelligentes au monde. Me comparer à elle est un compliment. En revanche, je ne crois pas que nous ayions quelque chose en commun à part le fait que toutes les deux nous sommes noires et que nous avons des postes de dirigeantes en politique. Ce n’est pas chose courante dans les parties du monde où nous vivons.

Quel lien avez-vous gardé avec l’Afrique ?
J’y ai encore beaucoup des parents proches, disséminés un peu partout. Je me considérerai toujours comme une Congolaise, mais en même temps, je suis fière d’être suédoise. Je déplore le fait qu’enfant, je n’avais pas l’occasion de passer mes vacances au Congo.

À quand remonte votre dernier séjour en Afrique ?
Il y a un mois de cela.

Pensez-vous que votre fonction de ministre signifie quelque chose pour les autres afro suédois ?
Je souhaite que ma nomination inspire en premier lieu les jeunes générations d’afro suédois. Par contre je suis inquiète pour tous ceux d’entre nous qui ne saisirons pas leur chance car on nous répète sans cesse que nous rencontrerons discrimination en chemin et que par conséquent il est vain de faire des efforts. S’il y a quelque chose que j’ai découvert en tant que ministre, c’est qu’il y a bon nombre d’afro suédois qui ont réussi. Pourtant les médias ne reflètent pas cet aspect positif.

Pensez-vous que votre origine africaine influence de quelque façon les décisions que vous prenez en tant que ministre de l’intégration ?
Je prends des décisions par conviction. Mon passé et mes expériences constituent en partie ce qui forme ma conviction.

Vous tenez-vous informée de la vie politique africaine et des questions brûlantes d’actualité dans différents pays africains ?
Je ne peux prétendre que j’ai une bonne connaissance des questions d’actualité dans chaque état africain. J’essaie néanmoins de me tenir informée sur les grands événements qui peuvent influer sur les politiques de développement dans un pays donné. À titre d’exemple, les conflits actuels au Congo et au Soudan ; la croissance économique en Afrique du Sud. Le progrès qui s’opère aujourd’hui dans un pays comme le Rwanda qui possède le Parlement le plus “équitable" au monde. De la même façon, au Libéria, le fait d’avoir à la tête du pays une femme Présidente, la première en Afrique, et les implications en matière d’opportunités pour les autres femmes africaines, etc.

Si vous aviez la possibilité de changer quelques décisions prises par votre père quand vous étiez enfant, quelles seraient-elles ?
Je n’ai pas souvenir d’une telle décision. La plupart des conflits concernaient le choix des lycées que je devais fréquenter. Je suivais la décision de mes parents, mais je ne peux dire, quand j’y pense que leurs choix étaient injustifiés. Sinon, j’ai toujours joui d’une grande marge de manœuvre pour prendre mes propres décisions.

Vous arrive-t-il d’écouter de la musique ou d’aller au théâtre, quels sont vos goûts en matière de culture ?
Je suis une piètre consommatrice de la chose culturelle. Les concerts ne m’enchantent guère particulièrement car ils me semblent brouillon (...). Je fréquente rarement les salles de théâtre, je préfère les comédies musicales. Il arrive que j’aille au théâtre, pour faire plaisir à mes enfants. J’aime la musique mais je n’achète pas de disques. J’écoute parfois la radio. Je ne philosophe pas ou prou sur l’art, qu’il s’agisse de danse, de sculpture ou de peinture. Je suis, dans une certaine mesure plus sensible aux motifs africains et aux danses africaines pleines d’entrain. Mon bureau est d’ailleurs décoré d’art africain…

Qu’est ce qui vous fascine dans la vie politique ? Et pourquoi avez-vous choisi « le folkpartiet » (le Parti du Peuple ) ?
Je ne suis pas fascinée par la vie politique. Cependant, j’ai du mal à voir ou à vivre des injustices sans essayer d’intervenir. Ou bien je peux intervenir comme personne privée, ou bien en tant que femme politique.

Est-ce que le fait d’être une femme noire a influencé la façon dont les gens vous voient ?
Difficile d’y répondre car je n’ai aucune autre expérience — je veux dire, je n’ai jamais été blanche ni un homme — pour établir une comparaison. En revanche, il serait naïf de croire que le sexe, la couleur de la peau ou l’âge n’influencent pas la façon dont nos semblables nous regardent.

Que pensez-vous de ceux qui considèrent la culture et les produits agricoles comme tout ce que l’Afrique a de bon à proposer au reste du monde ?
Je n’en pense rien de particulier. C’est probablement tout ce qu’ils connaissent de l’Afrique. Au-delà de ces clichés, c’est une bonne chose pour ceux qui éprouvent d’autres curiosités sur l’Afrique.

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