Malgré les efforts du gouvernement éthiopien, les filles n'ont toujours pas le même accès à l'éducation que les garçons. Le poids de la religion et leur faible accès à l'information expliquent cette discrimination.
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l'auteur Gaëlle Laleix
Samedi matin, dans la grande banlieue d'Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. Normalement, les écoles sont fermées, mais dans la cour du collège d'Akaki Beska deux classes de collégiennes attendent patiemment. Elles n'ont pas revêtu leur traditionnel uniforme vert —pas de cours aujourd'hui. La plupart d'entre elles vont simplement recevoir leur première serviette hygiénique lavable et réutilisable, distribuée par l'association Rotaract.
Elles ont entre 13 et 15 ans, et connaissent depuis peu l'inconfort des premières règles: maux de ventre, de dos, fatigue. Mais chez elle, motus et bouche cousue. De ces impuretés, on ne parle pas:
«Avant j'habitais avec mes parents et nous n'en discutions absolument jamais. Même avec ma mère. J'ai déménagé il y a peu chez ma grande sœur et c'est elle qui m'a tout expliqué», confesse Itbrahanun Balet, élève de 4è.
Rater les cours et se cacher
Faute de protection adéquate, de médicaments contre la douleur ou tout simplement d'informations, la plupart des adolescentes manquent les cours pendant toute la durée de leurs menstruations.
«En général, je reste chez moi et je dors pendant trois jours. Je n'ai pas de médicaments contre le mal de ventre et aller à l'école m'indispose. En plus, si j'y vais, je ne peux pas vraiment dire pourquoi je ne suis pas attentive», ajoute Itbrahanun.
En moyenne, les jeunes filles ratent donc entre 30 et 70 journées de cours par an. Le retard accumulé n'est pas négligeable, surtout dans un pays où l'éducation accuse déjà une sérieuse discrimination sexuelle.
«L'éducation est une priorité, nous devons donc tout faire pour que les étudiants travaillent de la manière la plus confortable qui soit. Or, les filles sont dans une situation très délicate à cause de toutes ces questions sexuelles. Si nous voulons qu'elles étudient, il faut en faire une priorité», déclare Rediet Nuri, président de l'association Rotaract.
En Ethiopie, seules 55% des filles vont à l'école primaire et ce chiffre diminue à chaque niveau supérieur d'éducation, jusqu'à l'université où elles ne représentent que 24% des diplômés.
Manque d'information
Avant de recevoir leur première protection, les jeunes filles doivent assister à une leçon sur leur appareil reproductif et sur les cycles menstruels. Ricanements, regards fuyants, silences gênants accompagnent les premières minutes de cours.
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Puis c’est l'heure des questions: «Est-ce qu'on aura moins mal quand on aura perdu notre virginité? Est-ce que les serviettes peuvent nous donner des infections? Est-ce que les règles sont une infection?»
«Clairement, certains points avaient besoin d'être éclaircis. Souvent ces jeunes filles, et notamment celles qui proviennent des familles les plus pauvres, n'ont pas accès aux informations.
Elles ont de bonnes connaissances de base sur leur corps grâce à leurs classes de biologie, mais elles ne savent rien de son fonctionnement. Elles ne savent rien de ce qui touche au sexe et ont tendance à tout mélanger», explique Tigisi Urgessa, infirmière.
L'Ethiopie reste un pays extrêmement religieux. Le culte orthodoxe y est très majoritaire et l'islam tend aussi à gagner du terrain. Le poids de certains usages religieux freine le progrès des jeunes filles. L'Ethiopie est également le pays le moins urbanisé d'Afrique: seulement 17% de taux d'urbanisation. La plupart des familles vivent donc en milieu rural où certaines pratiques traditionnelles persistent.
Beaucoup empêchent les jeunes filles de poursuivre leurs études en les forçant à un mariage précoce. Dans les familles pauvres, elles arrêtent souvent d'aller en cours après le primaire afin d'assumer des responsabilités domestiques ou d'aider leurs parents dans leur travail.
Malgré le Plan national pour l'égalité des genres mis en place par le gouvernement de 2005 à 2010, les disparités entre les garçons et les filles en terme d'éducation restent importantes. 64% des jeunes Ethiopiens sont analphabètes, dont 77% sont des filles.
«Quand on parle de développement, les gens se concentrent surtout sur la nourriture, la santé. L'éducation est moins au cœur des préoccupations, surtout celle des filles car quand elles restent à la maison personne ne le remarque. Leur situation est ingrate car invisible», conclut Meron Nekonnen, une volontaire de l'association.
Gaëlle Laleix
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