vendredi 10 janvier 2014

Mariéme Jamme, tête pensante des nouvelles technologies en Afrique

Mariéme Jamme, une "activiste" des réseaux de solidarité et d’échange qui dépassent les frontières
Mariéme Jamme, une "activiste" des réseaux de solidarité et d’échange qui dépassent les frontières
Mariéme Jamme

Par Sabine Cessou
Chef d’entreprise et activiste, Mariéme Jamme se bat pour l’essor du continent africain grâce aux nouvelles technologies. Elle figure sur la liste 2013 des Young Leaders - « Jeunes dirigeants » - dressée par le Forum économique mondial. Elle avait été classée en 2012 par le magazine Forbes parmi les 20 jeunes femmes les plus influentes d’Afrique.

Née au Sénégal, diplômée en France et installée à Londres, Mariéme Jamme, à 39 ans, a déjà une longue carrière derrière elle. Issue d’une famille aisée, elle aurait pu se contenter du confort de la vie à Dakar. Mais elle part étudier en France et multiplie les petits boulots pour financer, en toute indépendance, son Master de marketing et communication. Une agence d’intérim, à Paris, jette son CV à la poubelle et lui conseille de faire… des ménages !
Elle décide alors d’améliorer son anglais à Londres, où elle trouve « le climat beaucoup moins raciste qu’en France ». Elle poursuit ses études avec un MBA à l’Université du Surrey. Embauchée sans difficulté par la Citibank puis par JP Morgan et Lloyds, elle devient manager chez les fabricants de logiciels Oracle et Microsoft. Elle prend la nationalité britannique et fonde à la naissance de son premier enfant la société Spot One Global Solutions. Sa vocation : aider des fabricants de logiciels à s’implanter en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. Son bureau de consultants compte aujourd’hui 16 salariés, mais elle veut voir plus large et plus loin.
Penser l’avenir de l’Afrique

Les nouvelles technologies, elle en est convaincue, changent radicalement la donne en Afrique. « Avec le téléphone portable, explique-t-elle, on peut savoir où se trouve le bureau de vote le plus proche, organiser le travail dans les champs, anticiper sur la météo ». Pour discuter des impacts concrets des réseaux sociaux et d’Internet avec des experts et des entrepreneurs, elle fonde un think tank dénommé « iConscience ». Elle lance par ailleurs en 2008 une plateforme globale, Africa Gathering (Rassemblement Afrique), pour échanger sur le développement avec des gens qui partagent son point de vue, à la fois positif et critique. Son approche reste résolument pragmatique : « En Afrique, nous n’avons pas l’écosystème pour créer des entreprises, écrit-elle. Le manque de financements constitue un problème quasi-insurmontable. D’autant plus que les entrepreneurs ont besoin d’être encadrés de façon très suivie. Il est urgent d’équiper les jeunes Africains avec les outils qui leur permettent de créer de la richesse à partir de leurs idées ».

Plus que l’argent : le savoir et la stratégie
Mariéme Jamme fait partie des entrepreneurs sociaux qui instaurent en 2010 le prix annuelApps4Africa (A4A), soutenu par le Département d’Etat américain, pour récompenser jusqu’à hauteur de 10 000 dollars les concepteurs de logiciels et applications dédiés à l’essor du continent. Ce qui ne l’empêche pas de questionner l’utilité de ces prix, dans les colonnes du journal britannique The Guardian: « Les compétitions, écrit-elle, pourraient offrir beaucoup plus que de l’argent - du savoir et des guides stratégiques ». Elle s’inquiète de voir émerger quelques « poches » d’excellence dans une industrie des nouvelles technologies qui reste plombée par son contexte en Afrique. A commencer par un problème d’accès à l’éducation.
Elle se décrit comme une « activiste » et veut créer des réseaux de solidarité et d’échange qui dépassent les frontières. Non sans courage, elle place la question de l’éthique au cœur de son discours. Son site Internet recommande ainsi de « rester calme et se souvenir de Nelson Mandela ». Rien ne peut arrêter cette femme brillante, qui a une nouvelle idée à la minute. Elle participe ainsi au projet WeForest, qui vise à reboiser 20 000 km2 de terres sur la planète pour lutter contre la malnutrition et le réchauffement climatique. Elle a lancé le Jjiguene (« femme » en wolof) Tech Hub, un réseau qui aide les jeunes Sénégalaises à étudier les sciences, la technologie, l’ingénierie et les maths. Elle a rejoint en 2013 l’équipe de Microsoft dénommée 4Afrika, en tant que conseillère sur les projets de soutien à la création de start-up par de jeunes africains. Son parcours fait déjà d’elle un role model. Un exemple positif à suivre…