mercredi 8 février 2012

LETTRE OUVERTE A ANGELA DAVIS

Texte d'Alexandra Mephon

Au-delà de nos envies, de nos dires, de nos souhaits et de nos pensées, il y a l'engagement. Un engagement pour soi, pour faire quelque chose de sa vie, mais aussi un engagement utile, altruiste, malheureusement devenu plus rare: l'engagement pour une cause. Une cause qui la plupart du temps nous dépasse, parce que trop utopique, laborieuse ou lointaine alors qu'elle dépend justement d'une volonté. Celle des autres évidemment, mais avant tout de la sienne. Face à cette cause, à ta cause, tu as fait un choix: celui de te battre , de lutter contre un système que tu jugeais et juges encore injuste, abusif, oppressant comme les murs d'une prison. Une prison que tu as toi-même connue, durant 18 mois, accusée à tort d'avoir participé à l'évasion ratée d'un groupe de prisonniers ( des armes auraient été achetées sous ton nom).
Comme la jeune fille intelligente, engagée, policée et honnête que tu étais a-t-elle pu figurer sur la liste noire des 10 personnes les plus recherchées par le FBI?
A une époque où l'afro n'était pas une mode et le béret un effet de style, suivant les traces de ta mère, professeur et militante pour les droits civils, tu t'impliques rapidement dans la cause des Noirs et suit des études supérieures aux États-Unis, en Allemagne et en France pour devenir professeur de philosophie. brillante élève des professeurs Adorno et Marcuse, le marxiste répond à tes élans de liberté et d'égalité pour tous, les Black Panthers à ceux d'autodéfense, de volontariat et d'autodétermination. Entre chasse à l'homme et chasse aux sorcières, la menace est constante et l'on te limoge de ton poste d'enseignante à l'université d'UCLA en 1970 sur dénonciation pour ton appartenance au parti communiste.
Entre associations bénévoles et programmes de survie communautaire des Black Panthers, ton activisme est surveillé, le programme de contre-espionnage du FBI, le "cointelpro" (counter intelligence program) porte ses fruits . Où étais-tu passé pendant toutes ces semaines? Les manifestations s'organisent, les portes des foyers s'ouvrent.Toi , tu résistes au système, en toute clandestinité, tu réussis à faire un pied de nez au FBI. Puis, tu es arrêtée.
Emprisonnée, puis acquittée près de deux ans plus tard, lors d'un procès spectaculaire, tu deviens une icône pour la communauté noire. Malgré la déstruction des Black Panthers, ton combat continue. Femme forte, femme de tête et de conviction, tu crois encore aujourd'hui à un monde meilleur, un monde juste, humain où les droits de l'homme seraient respectés, où les prisonniers ne seraient pas mis à mort par la justice toute puissante des hommes. Mumia Abu Jamal, qui erre encore dans les couloirs de la mort, en sait quelque chose. Cet ancien journaliste Black Panther, accusé de meurtre, t'a vue monter en première ligne pour défendre sa cause, discourant à travers le monde entier sur l'injustice dont il est victime. Un combat vain? Aujourd'hui théoricienne de renom, professeur émérite en Californie, auteur, conférencière internationale, tu montes en première ligne dès que les droits de l'être humain sont bafoués. Jamais fatiguée, déterminée toujours. Il y a 60 ans une force de la nature est née, une panthère noire à l’affût de l'injustice, un modèle de conscience noire et d'engagement.

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