Le procès de Kimpa Vita, la Jeanne d’Arc congolaise, de Rudy Mbemba
Par Ghislaine Sathoud
Plusieurs pays d’Afrique célèbrent leur indépendance cette année. Peut-on s’attendre à une meilleure prise en compte des femmes ? Une chose est sûre, après un demi-siècle d’indépendance, il est grand temps de reconnaître les droits et apports des Africaines. Et disons-le clairement : les femmes doivent participer activement à la vie publique et sociale. En d’autres mots, leur présence est plus que jamais indispensable dans toutes les sphères décisionnelles.
Intégrer la femme, c’est d’abord et avant tout croire en ses capacités de défendre les intérêts vitaux de son pays. L’histoire africaine montre que des femmes se sont illustrées de différentes manières pour protéger leurs concitoyens. Kimpa Vita est un exemple tangible qui met en lumière l’empreinte féminine dans le passé de l’Afrique.
C’est pourquoi d’ailleurs l’histoire de cette femme extrêmement courageuse a suscité et suscite encore l’indignation, voire la colère. Rudy Mbemba, avocat et auteur, a publié chez L’Harmattan en 2002 un ouvrage intitulé Le procès de Kimpa Vita, la Jeanne d’Arc congolaise. Pour la petite histoire, Kimpa Vita, une prophétesse qui naquit et vécut au Royaume Kongo au XVIII siècle, fut brûlée vive en 1706 à l’issue d’une parodie de procès…
Par conséquent, Rudy Mbemba veut remettre les pendules à l’heure. Les avocats sont convaincus que toutes les causes sont plaidables. Celle-ci est sans conteste une noble cause. Justement, en sa qualité de défenseur des causes défendables et indéfendables, l’homme de loi ramène sur la scène publique un dossier qui mérite un examen approfondi. Et d’ailleurs, il défend sa démarche avec ardeur, détermination et conviction. De plus, les arguments présentés prouvent que la tragédie qu’est l’histoire de La Jeanne d’Arc congolaise doit impérativement être mentionnée quand vient le temps de revisiter l’histoire, glorieuse ou non, du royaume Kongo :
« Si cette histoire est effectivement dense, le procès de Kimpa Vita, incontestablement y occupe une place de choix. Il s’agit en effet d’une des grandes affaires judiciaires africaines ayant été réglée au mépris des règles les plus élémentaires du droit ». (1)
Si le juriste dénonce fermement ce simulacre de procès, il convient également d’ajouter que cet ouvrage peut assouvir aisément la curiosité de plusieurs personnes, et ce, dans tous domaines confondus. Par exemple, les militantes des droits des femmes y trouveront des armes essentielles pour renforcer leurs certitudes.
Qu’en est-il donc de ce procès ? Peut-on affirmer que Kimpa Vita fut jugée conformément aux règles déontologiques qui régissent l’exercice du droit ?
En tout cas, Rudy MBemba, qui pointe du doigt des vices de procédure, est très catégorique :
« D’un point de vue judiciaire, le procès de Kimpa Vita, à vrai dire, n’en est pas un. Tel qu’il le décrit, ce procès est beaucoup plus, un règlement de compte, à l’instar d’une justice privée, telle qu’elle a pu exister dans les société coutumières d’Europe comme celles d’Europe médiévale, qu’un véritable jugement qui, à ce titre aurait du faire appel à certains principes de justice. L’ingérence du père Bernardo, donc de l’Église, est manifeste, et elle est de nature certes à faire mourir Kimpa Vita, mais également et surtout, à donner un coup d’arrêt à l’œuvre de la restauration, c’est-à-dire, du retour de l’unité perdue » (2)
Finalement, que reprochait-on réellement à Kimpa Vita ? Que voulait-on faire croire ? A qui profitait le crime ? Plusieurs questions viennent à l’esprit. Toutefois, il apparaît clairement que les commanditaires de ce complot voulaient brouiller les pistes pour justifier cet acte crapuleux.
« L’action de Kimpa Vita est dangereuse aux yeux de ses adversaires catholiques non pas parce qu’elle n’est point digne ou salvatrice, mais plutôt parce qu’elle est un frein, une négation de leur dessein, celui de faire du Congo, à tout prix, un royaume chrétien comme autrefois, le plaçant ainsi sous le contrôle de la papauté. Or, l’action de Kimpa Vita est sur ce point très néfaste, en ce qu’elle aspire à un développement global de son pays, donc, entre autres, à son émancipation sur le plan religieux ». (3)
Mais au fond, quels objectifs visaient la récalcitrante Kimpa Vita ? « En somme, l’action de Kimpa Vita tendant à la restauration de son pays va comporter, essentiellement trois dimensions : la dimension politique, la dimension morale et la dimension religieuse » (4)
Pour conclure, que les revendications de Kimpa Vita correspondent ou pas aux luttes actuelles défendues âprement par le mouvement mondial des femmes, elle fut une brave Africaine. Sa rébellion et son combat s’inscrivent parfaitement dans une perspective d’intégration de la femme dans les sphères décisionnelles. Or, jusqu’à présent cette préoccupation est toujours d’actualité car, dans ce cas précis, les mentalités évoluent lentement et de façon aléatoire. Qui plus est, les victoires ne sont qu’éphémères, il faut se battre constamment pour les conserver.
En ce sens, on peut affirmer que l’héroïne voulait coûte que coûte prendre sa place et défendre la souveraineté du royaume Kongo. Mission accomplie ! Elle a vraiment réussi son pari.
Ghislaine SATHOUD
Rudy Mbemba Le procès de Kimpa Vit, la Jeanne d’Arc congolaise, L'Harmattan, Paris,
2002, 138p.
Rudy Mbemba, avocat et Koôngologue, est né en 1969 au Congo-Brazzaville. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Plaidoirie pour l’Abbé Fulbert Youlou.
Notes
(1) Le procès de Kimpa Vita La Jeanne d’Arc congolais, p. 20
(2) Idem, p. 90
(3) Ibid.
(4) Idem, p. 52
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