Le parcours d'une héroïne controversée
Les avis sont mitigés car ceux qui l'apprécient disent qu'elle est la "Mother Nation" de l'Afrique du Sud, son pays (la Mère de la Nation), et ceux qui la haïssent, et il y en a pas mal, n'hésitent pas à penser tout haut qu'elle devrait croupir en prison! Une chose est sûre, prononcer le nom de cette femme au courage et à l'audace incomparable suscite bien des réactions. Néanmoins, on ne manquera pas de reconnaître que Winnie est dotée d'un charisme exceptionnel et que sans aucun effort elle réussirait à captiver un auditoire pendant des heures s'il le fallait. Elle est ce genre de femme qui commande, qui tient les rennes et qui attire l'attention par sa démarche décidée, son air volontaire, et quand elle le veut, son sourire éclatant et touchant. En outre, il n'y a aucun doute sur le fait que Winnie est une femme au physique agréable, toujours fièrement vêtue à l'Africaine. Même ceux qui la haïssent ne parviennent à l'ignorer lorsqu'ils se trouvent en sa présence. Quand on l'écoute atentivement, on parvient facilement à cerner que l'on a affaire à une femme à l' intelligence pétillante, une femme qui sait ce qu'elle veut et surtout oùelle va. Comme vous l'aurez certainement compris, Winnie est un personnage controversé. Mais alors pourquoi la retrouve t-on parmi les héroïnes de notre cher continent, et puis, pourquoi ne devrait-elle pas s'y trouver? Amis lecteurs, le choix vous appartient; à vous de tirer une conclusion à la fin de ce récit, car voici l'histoire et la destinée hors du commun d'une femme africaine qui a pour sûr marqué l'histoire de son pays: Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela, que nous connaissons sous le nom de Winnie Mandela.
Son histoire
Winnie est née le 26 septembre 1936 dans le village de Bizana, situé dans la région du Pondoland, une province du Cap, qui deviendra Transkei et plus tard le Cap Occidental. Elle fait partie d'une famille de 8 enfants, et sa mère Nomathamsanqa Mzaidume , qui enseignait l'Economie dans une école locale, perd la vie alors que Winnie n'a que 8 ans, et son père travaille dans le Département de l'Agriculture du gouvernement de Transkei.
Winnie finira par décrocher un diplôme d'Assistante Sociale à Johannesburg et la jeune femme qu'elle sera devenue fera déjà preuve de beaucoup d'ambition à une époque où l'apartheid est extrêmement présent et où les femmes de couleur subissent d' énormes oppressions.Plusieurs années plus tard, elle obtiendra une licence en Relations Internationales à l'Université du Witwatersrand, à Johannesburg.
Sa famille jouissait d'une situation plus aisée que la majorité des Noirs d'Afrique du Sud, et Winnie ignore de ce fait l'inégalité qui existe parmi la population noire. C'est quand elle se fait engager comme la première personne de couleur à travailler en tant qu' assistante sociale à l’Hôpital Baragwanath qu'elle remarque ce grand fossé qui sépare les Noirs des Blancs, ces derniers pourtant en minorité. Elle est frappée par le degré de pauvreté de la population noire et par la qualité médiocre des soins de santé qui leur était accordé, rendant le taux de mortalité à la naissance des bébés noirs tristement élevé. Elle assiste à beaucoup de morts, et ce n'est plus du tout acceptable à ses yeux, il faut stopper ça immédiatement!
C'est alors qu'elle intégrera le groupe de jeunes noirs du Congrès National Africain, the African National Congress, l'ANC. Partisante active, elle sera arrêtée et détenue comme prisonnière politique en 1958, lorsque sa voix sera entendue pour la première fois. Une fois relâchée, son courage sera décuplé, elle s'activera davantage et encouragera surtout les femmes du pays à se lever et à dire NON aux lois de l'apartheid.
A cette même époque, elle rencontre un jeune avocat au nom de Nelson Mandela qui se lance également dans des activités politiques. Ils se marient et fondent une famille. Même après leur marriage, le couple fait des tournées dans les différentes villes du pays afin de diffuser des messages anti-apartheid. Mais une tragédie survient en 1962: Mandela se fait arrêter et Winnie se retrouve assignée à résidence à Brandfort et n'a pas le droit de rendre visite à son époux. En 1967, Winne décide d'aller tout de même rendre visite à son mari à la prison de Robben Island, près du Cap, et parce qu'elle aura violé l'interdiction, elle sera à nouveau emprisonnée pour 1 mois. Pendant des années, elle se montrera têtue face aux autorités et vivra sous le rythme des interdictions, des assignations et des emprisonnements. Beaucoup se demandaient même comment ses enfants s'en sortaient avec toutes ses absences.
En 1975, après l'une de ses sorties de prison, elle adhèrera à la Ligue des Femmes du Congrès National Africain. Toute la ligue sera elle aussi assignée, mais cette décision des autorités ne découragera en rien Winnie et ses collaboratrices qui continueront à se battre contre l'apartheid.
En 1976, elle refait de la prison suite à des émeutes à Soweto et dans lesquelles elle est directement impliquée, mais cette fois, elle sera condamnée à 6 mois de prison ferme. Une fois relâchée, l'Etat garde main mise sur elle et l'assignée à résidence à la ville de Brandfort pour 9 années de plus! Pendant ces années, elle devra faire face à de nombreuses perquisitions chez elle et à de nombreuses menaces de mort. Toutefois, malgré ces tentatives de découragement de la part du gouvernement, Winnie, fidèle à elle même, violera à plusieurs reprises l'interdiction en se rendant à Soweto et encourant d'autres peines minimes de prison.
Winnie sera très respectée pour son courage, sa loyauté et sa tenacité. Très vite on lui donne le surnom de "Mother Nation" et elle est appréciée de par le monde par la majorité du peuple noir. Même si Winnie est mariée à une icône et un héros, elle a acquis seule sa notoriété en adressant sans crainte des attaques verbales au gouvernement. Ce dernier continuait à répondre à son insolence par des interdictions, des assignations et des emprisonnements, mais jamais il n'arrivait pas à en elle ce qu'elle avait de plus puissant: sa foi en une libération pour les noirs de son pays.
Toutefois, Winnie finit par salir elle-même sa notoriété en fondant "The Mandela United Football Team", une équipe de football dédié à son mari toujours en prison. En effet, les footballeurs de l'équipe passent plus de temps à protéger Madame Mandéla qu'à leurs entraînements sportifs. Des rumeurs selon lesquelles il s'agirait plus d'une organisation politique clandestine vont vite se répandre, et d'autres, plus graves prétendent que les sportifs éliminent physiquement tous ceux qui s'opposent à eux sous l'encouragement de Winnie elle-même.
L'affaire Stompie Seipei
Stompie Seipei était un jeune activiste de 14 ans qui aurait été violenté et assassiné en janvier 1989 par la fameuse équipe de football créée par Winnie. Cette dernière l'aurait accusé d'espionnage au profit du gouvernement blanc et aurait réclamé sa mort. Cette triste affaire éclate à quelques mois à peine de la libération de son mari, Nelson Mandela, et alors que les progrès de toutes ces années de lutte contre l'apartheid allaient enfin être récompensés.
On constatera toutefois une certaine prise de distance entre les époux Mandela. De nombreuses rumeurs pencheront vers l'implication directe de Winnie dans la mort de Stompie, des complices auraient finalement apporté leurs éclaircissments, à Nelson qui n'aurait pas supporté la "vérité vraie". D'autres rumeurs évoqueront une liaison possible entre Winnie et l'un de ses gardes du corps, véritable coup de couteau pour son mari. Ils divorceront en 1996.
Quand Nelson sera élu premier président noir d'Afrique du Sud, c'est au bras de sa fille qu'on le verra lors des cérémonies, Winnie n'ayant même pas été invitée à le rejoindre sur le podium.
En mars 2010, Winnie reproche publiquement à son ex-mari d'avoir accepté de partager le prix Nobel de la paix avec Frederik de Klerk et l'accuse d'avoir donné son accord pour un mauvais arrangement, « laissant ainsi tomber les Noirs et favorisan l'économie blanche ». Elle accuse son ancien mari pendant la période post-présidence d'être devenu « une fondation privée » et « une figure de proue pour sauver les apparences », prenant comme symbole l'érection d'une grande statue de Nelson Mandela au beau milieu du quartier blanc de Sandton, le plus riche de Johannesburg et non à Soweto, lieu symbolique de la lutte contre l'apartheid. Elle critique également la Commission de la vérité et de la réconciliation qu'il avait autorisé et qui avait estimé en 1997 qu'elle avait "commis des violations grossières des droits de l'homme".
Malgré tout, la voix de Winnie continuera à être écoutée puisqu'elle sera ré-élue au sein de le League des Femmes de l'ANC. Winnie Mandela reste une femme extraordinaire qui a su perfectionner à outrance l'art de la survie et du refus de capituler, ce qui fait d'elle une icône respectable. Et si l'ombre de la mort de Stompie rôde en permanence derrière elle, qui sait, cette mort doit peser sur sa conscience et avoir provoqué en elle une série de remises en question. A vous de juger chers lecteurs...mais tout compte fait, qui sommes nous pour juger Winnie Mandela, la "Mother Nation of South Africa"?
Natou
Source: http://www.rha-magazine.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire