dimanche 22 décembre 2013

Esther Madudu, sage-femme ougandaise en lice pour le Nobel


16/12/2013 à 16:01
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Esther Madudu et l’Amref veulent former 15 000 sages-femmes africaines d'ici 2015.Esther Madudu et l’Amref veulent former 15 000 sages-femmes africaines d'ici 2015. © Amref
Soucieuse de mobiliser la communauté internationale autour de l’objectif n°5 du Millénaire pour le développement, "Améliorer la santé maternelle", l'Association pour la médecine et la recherche en Afrique (Amref) a décidé de présenter une sage-femme ougandaise, Esther Madudu, au prix Nobel de la paix 2015.
"Avant, personne ne portait attention aux sages-femmes en Afrique. Avec moi, les gens ont pris conscience de notre importance". Les quelques bâillements qu’Esther Madudu laisse s’envoler sont les seules marques d’un Paris-Kampala effectué quelques heures plus tôt. Il en faut plus pour lasser l'infatigable l’ambassadrice des sages-femmes africaines, qui vient de s'embarquer dans une nouvelle aventure.
Car sa candidature au prix Nobel de la paix n’est pas, pour elle, un geste symbolique. C’est une mission qu’elle est persuadée de pouvoir remplir : "Je ne suis pas encore très connue, mais il me reste deux ans pour le devenir. Et la vedette, sourit-elle, ce ne sera pas moi, Esther, mais toutes les femmes du continent". Pour convaincre le public de la soutenir, cette mère de trente-trois ans mise sur l’échange tranquille plutôt que sur les grands discours : "En Europe, les gens ne connaissent pas nos conditions de travail, ni l’environnement dans lequel on pratique. Tous ceux à qui je raconte mon histoire sont touchés par notre cause. Il faut donc que je parle, encore et encore !", s’amuse la jeune femme.
L’histoire d’Esther commence le jour où sa grand-mère, accoucheuse traditionnelle, l’autorise à venir voir ce qui se passe derrière la porte de la maison.
L’histoire d’Esther commence le jour où sa grand-mère, accoucheuse traditionnelle, l’autorise à venir voir ce qui se passe derrière la porte de la maison, que franchissent des femmes au ventre rond : "J’avais dix ans, c’était la première fois que j’assistais à un accouchement, raconte Esther. C’est à ce moment que j’ai voulu devenir infirmière. Lorsque j’en ai parlé à ma grand-mère, elle m’a répondu : "tu iras à l’école pour apprendre ce que je ne sais pas". La fillette déménage alors chez son oncle, le seul de la famille qui dispose des ressources suffisantes pour lui payer une scolarité.
Un manque cruel de sages-femmes
Douze ans aujourd’hui qu’elle a obtenu son diplôme de sage-femme. Douze ans qu’elle exerce dans sa région rurale natale, à plus de six heures de route de Kampala. Là où les accouchements se font parfois à la lueur du téléphone portable et où la main qui palpe les ventres remplace le scanner. "C’est sûr, on manque d’équipement, lance Esther. Mais ce qui manque surtout, ce sont des sages-femmes. Nous savons comment arrêter des hémorragies ou prendre en charge des femmes enceintes qui sont atteintes du sida. Ce sont des gestes de base, mais qui sauvent des vies".
L'appel d'Esther Madudu : Formons plus de sages-femmes africaines (2012).
D’ici 2015, l’Amref a pour objectif de former 15 000 sages-femmes sur le continent pour réduire la mortalité maternelle, mais aussi infantile. "Lorsque la mère arrive à pied à l’hôpital, épuisée, le bébé naît fatigué et peine à respirer, explique Esther. L’Amref nous forme à ce genre d’accouchements difficiles, à agir vite avec un masque à oxygène par exemple".
Selon les estimations de l’organisation, Esther aurait déjà sauvé plus de mille vies au cours de sa carrière. La sage-femme se contente d’hausser les épaules : "Voir une mère et son enfant en bonne santé après l’accouchement, c’est ce qui me rend heureuse chaque jour. Je crois que j’ai ça dans le sang". Un  don, dirait peut-être sa grand-mère.


Source: Jeuneafrique.com

vendredi 20 décembre 2013

Afrique du Sud – Dulcie September, la femme qui en savait trop


le Jeudi 19 Décembre 2013 à 22:13 | Lu 1481 fois




Afrique du Sud – Dulcie September, la femme qui en savait trop
Au moment où les charognards éructent leurs hommages en l’honneur de Nelson Mandela, le silence demeure de mise concernant le meurtre de Dulcie September, le 29 mars 1988 à Paris. Abattue de cinq balles dans la tête à bout portant, ce meurtre n’a été suivi d’aucune condamnation. Un assassinat politique de plus, auquel les services secrets français ne sont pas étrangers, dans la lignée de ceux commis contre Ben Barka, Henri Curiel ou Ali Mécili. 

Né à Cap Town en 1935, Dulcie September fut institutrice avant d’adhérer à des groupes d’extrême- gauche puis à l’ANC. Condamnée à une peine de cinq ans de prison, elle est bannie de son pays en 1963. Après bien des pérégrinations, elle arrive à Paris en 1984, en qualité d’ambassadrice officieuse de l’ANC en France et en Suisse. C’est lors de la même année que l’Onu vote un embargo contre l’Afrique du Sud, qui n’avait toutefois aucun caractère obligatoire. Pour cause, au milieu des années 1980, la France est le cinquième partenaire de l’Afrique du Sud. Il n’y avait là rien d’illogique. Les sud-africains pouvaient faire office de gendarmes des intérêts français en Afrique. Pour ne pas trop se mouiller, il était arrivé à la France de déléguer certaines tâches au régime de l’Apartheid. C’était déjà le cas au Biafra, où la France arma, pas le biais des sud-africains, les sécessionnistes. On retrouve bien évidemment là le criminel de guerre Jacques Foccart. Mais également, son patron, puisque De Gaulle, initia dès le début des années 1960, une coopération nucléaire avec l’Afrique du Sud dès le début des années 1960. 

Et c’est peut-être bien là où le problème s’est posé. En effet, si Dulcie September s’était contentée d’un discours critique sur l’apartheid, il est peu probable qu’elle eut été tuée. S’exprimant devant une audience restreinte, elle n’aurait pas gêné grand monde. Après tout, la classe politique française, pouvait bien admettre publiquement le bien-fondé de ce réquisitoire, tout en continuant à soutenir en secret le gouvernement de Pretoria. Il semble que Dulcie September soit allée bien plus loin, et qu’elle eut en sa possession des documents accréditant la thèse d’une collaboration étroite entre la France et l’Afrique du Sud sur le matériel nucléaire. Une pareille hypothèse est étayée par ses proches, mais également par ses supérieurs de l’ANC comme son officier supérieur Aziz Pahad. September était entrée en contact avec Abdul Minty, le directeur de la Campagne mondiale contre la collaboration militaire et nucléaire avec l’Afrique du Sud. Elle lui promit l’envoi de documents compromettant les relations entre la France et l’Afrique du sud qui ne lui parvinrent jamais.


  • Afrique du Sud – Dulcie September, la femme qui en savait trop

Les services secrets britanniques, quelques jours avant sa mort, préviennent leurs collègues français, de la présence à Paris, d’agents secrets sud-africains. Quelques semaines plus tôt, le représentant de l’ANC à Bruxelles est assassiné. Suite à des coups de fils suspects et à une attaque dans la rue, elle se sentit menacée. Elle en informa Aziz Pahad, puis sollicita une protection policière qui lui fut refusée par le cabinet de Charles Pasqua, alors ministre de l’intérieur, et qui nia par la suite l’existence d’une telle demande. Soit le même ministère qui abritait en son sein des membres actifs du lobby sud-africain. On peut donc comprendre le zèle dont fera preuve le gouvernement pour étouffer l’affaire. Quelques heures après l’assassinat, Robert Pandraud, ministre délégué à la sécurité, évoquera, sans la moindre preuve, un règlement de compte interne à l’ANC. Soucieux de préserver l’image de Pretoria, celui qui crachait deux ans plus tôt sur le corps encore fumant de Malek Oussekine, ira jusqu’à déclarer que Dulcie September aurait dû faire preuve de plus de discrétion, pour ne pas troubler les « relations correctes avec l'Afrique du Sud ». Une sorte d’aveu en somme.

Afrique du Sud – Dulcie September, la femme qui en savait trop
Si une enquête fut ouverte, avec l’évocation de barbouzes proches de Bob Denard, l’enquête fut toutefois assez rapidement classée et certaines pistes furent tout simplement ignorées. La version officielle viendra du commandant des escadrons de la mort sud-africain Eugène de Kock. Lors de la commission « Vérité et Réconciliation », il jettera le nom de Jean-Paul Guerrier, ancien membre de l’OAS, et bras droit de Bob Denard lors de son règne aux Comores. Bien évidemment Bob Denard, entretenait des relations étroites avec le régime d’Apartheid, et avait mis à disposition de l’Afrique du Sud, l’ile des Comores comme une base permettant de contourner l’embargo et d’attaquer les pays voisins, tel le Mozambique, et les membres de l’ANC qui y avaient trouvé refuge. Toutefois, si Jean-Paul Guerrier a pu participer à cet assassinat, on peut douter que les services secrets français n’aient pas eu vent d’un tel projet ou qu’ils n'aient pas au minimum couvert la chose. Outre le fait que Dulcie September, s’apprêtait à remettre les documents compromettant entre autres la France, elle était étroitement surveillée par la DGSE. 

Le 17 juillet 1992, l’affaire est donc classée et se conclut par un non-lieu envers Jean -Paul Guerrier. Peut-être bien, que lui aussi en savait trop… 

Chafik Sayari / larumeurmag.com

mardi 17 décembre 2013

Sommet de l'Élysée : où étaient les femmes ?

17/12/2013 à 16:58
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Ellen Johnson-Sirleaf (Liberia) et Joyce Banda (Malawi).Ellen Johnson-Sirleaf (Liberia) et Joyce Banda (Malawi). © AFP/Montage J.A.
Ellen Johnson-Sirleaf et Joyce banda, les deux seules femmes chefs d'État d'Afrique n'ont pas fait le déplacement du Somemt de l'Élysée, les 6 et 7 décembre à Paris. Pour des raisons bien disctinctes.
On ne l'avait pas remarqué - et il l'aurait fallu -, mais les deux seules femmes chefs d'État d'Afrique étaient absentes du sommet de l'Élysée, les 6 et 7 décembre. Joyce Banda, du Malawi, a sans doute estimé que Paris était un peu trop éloigné de Lilongwe. Mais dans le cas de l'emblématique Ellen Johnson-Sirleaf, du Liberia, il s'agissait clairement d'une bouderie. Celle qui fut la première présidente africaine élue s'est en effet rendue à deux reprises en France depuis 2007. Mais, en dépit de leurs promesses, ni Nicolas Sarkozy ni François Hollande ne lui ont rendu la politesse, à Monrovia. Elle n'a pas apprécié et a tenu à le faire savoir. Les temps changent.


 Jeuneafrique.com 

lundi 16 décembre 2013

Israël: le don de sang d'une députée d'origine éthiopienne refusé

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Capture d'écran Pnina Tamano-Shata
Capture d'écran Pnina Tamano-Shata


Parce qu'elle est noire, Pnina Tamano-Shata a vu son don de sang rejeté.

Le scandale met Israël dans l’embarras. Alors qu’elle voulait donner son sang, la jeune députée d’origine éthiopienne Pnina Tamano-Shatas’est vue opposer un refus catégorique de l’association Magen David Adom, l’équivalent israélien de la Croix Rouge.
L’affront, enregistré par une caméra, a fait le tour des médias du pays:
«Selon les directives du ministère de la Santé, il n’est pas possible d’accepter le sang particulier d’origine juive éthiopienne», explique une responsable de l’organisme dans la vidéo.
La raison invoquée a soulevé l’indignation générale de Tel Aviv, à commencer par le Premier ministre Benyamin Netanyahu et le président Shimon Peres qui ont apporté leur soutien à la députée. Pourtant, la mesure est en accord avec une directive du ministère de la santé qui suggère de ne pas accepter le sang des juifs éthiopiens, considéré comme susceptible d’être porteur du virus du sida.
Première femme d’origine éthiopienne à siéger à la Knesset, Me Tamano-Shata a vivement réagi à ce qu’elle considère comme une «insulte»:
«J’ai 32 ans, je suis arrivée à l’âge de trois ans en Israël, j’ai effectué mon service militaire et j’ai deux enfants, il n’y aucune raison de me traiter de la sorte», s’est-elle indignée.
Depuis sa jeunesse, cette membre du Yesh Atid —un parti centriste fondé par Yair Lapid en 2012— se bat contre les préjugés attachés à sa communauté. En 1996, elle dénonçait déjà l’humiliation infligée par le centre israélien de transfusion sanguine qui s'était débarrassé des dons des immigrants éthiopiens.
En 2012, elle s’était également élevée contre l’instauration d’un système de contraception obligatoire à l’encontre des femmes éthiopiennes voulant entrer en Israël par les autorités de Tel Aviv. Révélée par le quotidien Haaretz, l'affaire avait fait grand bruit, mettant en lumière les discriminations qui touchent les «Falashmoras».
Après que le gouvernement de Yitzhak Rabin a reconnu leur judéité en 1975, les Ethiopiens de confession juive ont été nombreux à se rendre en Terre Sainte. Ils seraient aujourd’hui 120.000, dont 80.000 nés en Israel. 50% d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté, quand c’est le cas de 16% de la population juive israélienne.
Lu sur JSSnews

Les mariages forcés et précoces sont en augmentation en Afrique

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Mariage en Bulgarie / Reuters
Mariage en Bulgarie / Reuters


Les mariages précoces sont en recrudescence sur le continent, et au Cameroun en particulier.

La commémoration de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre a permis de porter la lumière sur une forme de violence que subissent les jeunes filles et dont on parle de moins en moins. Pourtant, elle continue de provoquer d'importants dégâts. Il s'agit des mariages forcés et précoces. A travers un reportage, France 24 s’est intéressé ce problème persistant au Cameroun
Dans les région du nord du Cameroun comme dans plusieurs pays d'Afrique, cette pratique est fortement répandue. Une tradition ancestrale qui a des répercussions sur la santé physique et morale de ces adolescentes que l’on force à se marier «avant leurs 15 ans, l'âge minimum légal prévu par le code civil camerounais».
Recueillies par des associations et des ONG qui luttent contre cette coutume, des milliers de jeunes filles ont subi le même sort qu'Izza, avant de fuir le cauchemar.
«C’est mon père qui m’a forcée… Il (l’époux qu’on lui a imposé) a cherché à coucher avec moi. J’ai refusé. Le deuxième jour, ce fut la même chose, on s’est bagarrés. C’est le troisième jour qu’il m’a eue. Il m’a forcée, il m’a frappée partout, tellement que je ne pouvais plus bouger et c’est comme cela qu’il m’a violée», raconte l’adolescente. Elle ajoute que c’est la découverte de sa grossesse qui l’a dissuadée de s’enfuir.
Lorsqu’elles parviennent à échapper à leurs bourreaux souvent bien plus vieux, c'est dans les locaux d’associations telles que Plan Canada ou encore auprès des assistantes sociales d’ALVF (Association de lutte contre les violences faites aux femmes) qu’elles trouvent du réconfort.
«Nous offrons l'encadrement et le suivi des filles et des femmes victimes et des survivantes de ces mariages précoces et forcés. Elles sont victimes de violences physiques, psychologiques, économiques aussi. Certaines ont même pensé à  au suicide, au cas où elles ne parviendraient pas à échapper à leur situation».
Selon les chiffres des ONG, une fille sur deux serait victime de mariage forcé et précoce au Cameroun. C’est pourquoi ALVF lutte contre ce fléau et lorsque le mal est déjà fait, l’association créée en 1991, tente de faire retrouver à ces jeunes filles le chemin de l’école. Grâce aux éducatrices, elles reprennent une vie normale et ont leur apprend à connaître les agressions physiques à travers différents ateliers.
Lu sur France 24 et Plan Canada

Enfants nés sous X: une Algérienne brise le silence

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Hôpital public, Alger, 2007. REUTERS/Zohra Bensemra
Hôpital public, Alger, 2007. REUTERS/Zohra Bensemra


Abandonnée, Wahiba témoigne de son long combat d'enfant non reconnu et considéré comme «bâtard» par la société.

«Il faut que cesse la stigmatisation des enfants abandonnés, ceux qu’on appelle cruellement des bâtards, des fils et des filles du péché.»
C'est le combat de Wahiba, 46 ans,  «une enfant de l'Algérie» née sous X. A travers son association créée le 7 décembre dernier, elle espère accompagner tous ces enfants doublement délaissés. Une fois par leurs parents biologiques et une seconde fois par la société algérienne qui les perçoit comme des bébés «bâtards».
Wahiba, nommée Nadéra par ses parents adoptifs, a longtemps ignoré sa condition d'enfant né sous X. Ce n'est qu'à la mort de sa mère adoptive que la jeune femme apprend la vérité. Celle qu'elle avait l'habitude d'appeler «maman» n'a jamais eu d'enfant. Ce jour-là, la tristesse cède définitement la place à la tourmente. A l'âge de 27 ans, Nadéra se retrouve sans papiers et absente de tout état civil. Aux yeux de l'Etat algérien, elle n'existe pas.
Après avoir été ballotée de foyer en foyer, Wahiba est accueillie dans une nouvelle famille. Cette fois, c'est la bonne. Aujourd'hui, Wahiba vit toujours chez eux. A partir de ce moment là, elle décide de changer de nom, une étape importante dans la construction de sa nouvelle identité. Elle cesse d'être Nadéra et devient Wahiba.
«Pour elle commence une vraie lutte pour vivre dans la vérité et assumer ses origines. Elle hésite longtemps entre rancune et rage avant de se résigner à accepter sa condition», raconte le quotidien El Watan.
A travers l'association qu'elle vient de créer, Wahiba veut rendre le quotidien des enfants nés sous X plus facile. Faire comprendre à la société qu'ils ne sont pas l'incarnation du péché sur terre.
«En Algérie, 3.000 à 5.000 enfants naissent chaque année hors mariage, selon les bilans de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem). D’autres associations estiment leur nombre à 42 000 chaque année», précise le quotidien.
Lu sur El Watan

L'adieu de Winnie à son "homme"

« je veux mourir tout contre toi »


16 décembre 2013

L'adieu de Winnie à son "homme"

" Seule, je te revois dans ce township d’Alexandra où, au détour d’une ruelle, j’aperçus ta longue silhouette au milieu d’une bande de jeunes. Seule, je pense à ce jour où tu m’as proposé de devenir ta femme. Seule, je pense à ces petits rares moments d’évasion dont nous pouvions profiter. Seule, je pense à ce jour où tu as rencontré mon père pour demander ma main. Seule, je pense à cette phrase de mon père « Nelson est un garçon charmant, tu peux l’épouser mais le choisir c’est épouser un combat et non un homme ».

J’ai compris aujourd’hui que j’ai épousé le combat, ton combat, le combat de ta bande avec les BUTHELEZI, SISULU Walter, Oliver Tambo et autres. J’ai appris à lutter à vos côtés. J’ai intégré le système très tôt. J’ai, inconsciemment peut-être, décidé de jouer ma partition. J’ai, peut-être pour prouver à tes compagnons que tu avais choisi la femme qu’il fallait, opté pour l’incarnation de l’aile dure. Puis arriva ce jour sombre de ton arrestation. Jour sombre, ai-je dit ! Il l’était pour moi or c’était le jour de gloire puisque tu me disais lors de mes visites bien surveillées à Roben Island que « ta victoire a commencé le jour de ton arrestation ». Plus tard, après plus de quinze années de bagne, tu n’as pas hésité à me dire « Winnie, tu te bats bien pour ma libération mais tu m’abats avec ton comportement. Je suis au courant pour le jeune avocat et je te comprends : la solitude peut être le lit de la débauche pour une femme qui n’a jamais pu savourer son mariage. Je ne t’en voudrai jamais. Je te porte dans ma chair Winnie ». Oui, Nelson, tu avais vu juste. Tu me comprenais seulement la compréhension ne doit pas être une légitimation et c’est ce que je n’ai pas pu comprendre assez tôt d’où mon escapade nocturne le jour de ta sortie de prison devant les caméras du monde entier. A ta libération, j’étais fière de toi, fière de ton endurance, fière de ta victoire et indigne voire indignée d’autant que je ne méritai plus d’être à tes côtés ou de te prendre la main. J’étais une étrangère à tes côtés. Je te sentais plus comme un père.

Ta décision de partir, de t’éloigner de moi, de divorcer ne m’a point surpris. Je voulais ce divorce. Je n’osais pas prendre l’initiative par peur de te faire souffrir encore. J’ai applaudi lorsque tu as choisi MACHEL. Pleine de grâce, de douceur, dévouée, câline, discrète, profondément amoureuse de toi, fidèle et généreuse avec notre progéniture, j’ai tout de suite compris qu’elle allait t’offrir toute cette affection qui t’a tant manquée.

Mon cher époux,

Je ne prie pas pour toi, Dieu a donné des signaux rassurants quant à ta place dans l’au-delà. Je veux ici et pour toujours te dire combien je t’aime. Je n’aurai pas la chance de prononcer un discours devant ces 80 milles personnes réunies à Sowéto pour te rendre hommage. Si cette chance m’était offerte, je t’aurai simplement demandé pardon car tu avais choisi Winnie pour gagner à tous les niveaux. Tu avais choisi Winnie pour réussir ta vie. Malheureusement, la femme que je suis a confondu « la victoire du bonheur » et « le bonheur de la victoire ». Tu as eu le second par ton propre combat et je n’ai pas su t’offrir le premier. Mea culpa, Nelson. Je te demanderai simplement dans les cieux de ne pas penser à ce jour où tu m’as dit « nous ne vieillirons pas ensemble ».

Pense plutôt Nelson à ce jour où tu m’as dit « je veux mourir tout contre toi ». C’est vrai Nelson, le bonheur se conjugue souvent au passé. Bon voyage. Love you, my husband. 

dimanche 15 décembre 2013

Winnie Mandela, l'autre Mandela


L'ex-épouse de Nelson Mandela serait-elle la voix de l’autre Afrique du sud, celle qui reproche à Madiba d’avoir trop cédé aux blancs?

Winnie Mandela le 10 décembre 2013 à Johannesburg pour l'hommage à Nelson Mandela. REUTERS/Kai Pfaffenbach
- Winnie Mandela le 10 décembre 2013 à Johannesburg pour l'hommage à Nelson Mandela. REUTERS/Kai Pfaffenbach -
«Personne ne connaît Mandela mieux que moi», aime à dire Winnie Mandela. Figure tour à tour adulée ou détestée de la scène politique sud-africaine, l’ancienne épouse du héros sud-africain a aussi été applaudie par la foule venue le célébrer, mardi 10 décembre à Soweto.
Et sur Twitter, certains de ses supporters digèrent mal que Barack Obama ait semblé l’ignorer.

Malgré ses 76 ans, son divorce et quelques affaires pendantes, Winnie est toujours membre du Comité national exécutif, l’instance dirigeante de l’ANC. Mais pourrait-elle revenir au premier plan maintenant que son ancien mari est décédé? Que représente aujourd’hui celle qui fut si longtemps célébrée par la communauté noire comme la «Mère de la Nation» ?
Flashback. Tribunal de Johannesburg, le 14 mai 1992. Nelson Mandela croit toujours en l’innocence de sa femme, dit-il, mais il n’a pas jugé bon d’assister à l’épilogue du procès dans lequel celle-ci comparait. Avant de prononcer la peine, le juge blanc n’a pas de mots assez durs pour cette dernière qu’il qualifie de «menteuse», «sans principe et sans honte» qui n’a montré «aucune compassion pour les six victimes». Elle est condamnée à six ans de prison ferme pour enlèvement et complicité dans les agressions commises sur plusieurs jeunes garçons par sa garde rapprochée, le Mandela United Football Club (MFUC), lequel sert également d’officine de recrutement pour l’aile armée du Congrès national africain (ANC, interdit jusqu’en 1990).
Il aura fallu toute l’habileté du vieil ami de Nelson Mandela, l’avocatGeorges Bizos, la complicité du procureur du Transvaal et un alibi contesté depuis, pour lui éviter d’être accusée et reconnue coupable du meurtre du jeune Stompie Seipei. Ultérieurement, sa peine de prison sera d’ailleurs commuée en une lourde amende.  
Le couple Mandela ne survivra pas à ce scandale. Quelques mois plus tard, Winnie part en voyage à l’étranger avec son jeune amant Dali Mpofu. C’est l’incartade de trop. A son retour, Nelson Mandela quitte le domicile conjugal. Le divorce est prononcé en 1996, Mandela est alors président d’Afrique du sud depuis deux ans. Et entretemps, Winnie a été condamnée pour détournements de fonds.
En vérité, cette rupture n’est pas qu’amoureuse. C’est également un divorce politique. 
Depuis que son mari a été libéré, Winnie supporterait-elle mal d’avoir perdu le premier rôle? Dès le début des négociations, elle désapprouve la méthode de son mari et lui reproche d’être trop compréhensif à l’égard du président Frederik de Klerk qu’elle soupçonne de favoriser les affrontements meurtriers qui opposentl’ANC aux Zoulous de l’Inkatha, le parti de Mangosuthu Buthelezi, lequel prône un Etat fédéral et n’exclut pas de s’allier avec le parti nationaliste blanc. Et elle le dit haut et fort. 
REUTERS
Pourtant c’est Nelson, l’avocat de 18 ans son aîné, boxeur par hobby et tempérament, qui va commencer à politiser cette jeune assistante sociale, intelligente, brillante même, dont il est très amoureux et dont le père –un responsable du Transkei– fait au contraire le jeu de l’apartheid. L’enseignement sera de courte durée. Mariés en 1958, Winnie et Nelson n’auront quasiment pas de vie commune. Trente ans plus tard, confronté aux dérives de son épouse, Mandela veut en prendre sa part de responsabilité. Il se reproche de ne pas avoir été assez présent auprès d’elle.    
En mars 1961, avec le lancement de la branche armée de l’ANC et la première campagne de sabotage, Nelson Mandela entre dans la clandestinité. «Il voyait rarement Winnie et il était vraiment fou d’elle, il prenait des risques insensés pour la rejoindre, je le lui disais souvent, mais il ne pouvait pas s’en empêcher, Il vivait très mal cette séparation», me racontait son ancien compagnon de lutte, communiste et blanc, Lionel Bernstein, en 1989 à Lusaka (Zambie) où l’ANC encore interdite en Afrique du sud était en exil.
Nelson Mandela est arrêté le 5 août 1962. «Une part de mon âme s’en est allée avec lui ce jour-là», dira Winnie Mandela. En 1964, il est jugé pour sabotage, trahison et atteinte à la sûreté de l’Etat dans le cadre du procès de Rivonia et envoyé à «perpet» casser des cailloux au bagne de Robben Island. En prison, Nelson écrit à Winnie:
«Ces jours-ci je pense beaucoup à toi, Dadewethu, ma dame, camarade et mentor; tandis que je t’écris ta belle photo se trouve à moins d’un mètre au-dessus de mon épaule gauche. Je l’époussette avec soin chaque matin; cela me donne l’agréable sensation de te caresser comme dans le temps
De ses 27 années à Robben Island, puis sur le continent, on a tout dit ou presque et en particulier comment Nelson Mandela (avec ses camarades) aurait réussi à en imposer à leurs geoliers et à faire de ces lieux une «université» de la résistance à l’apartheid.
On a en revanche bien moins raconté  tout ce que Winnie a subi. Le régime blanc nationaliste dont l’arsenal répressif rivalise avec ce qui se fait de mieux dans le genre à l’époque ne lui épargne rien. 
Pressions de toutes sortes: sur ses employeurs, sur ses filles qu’elle finira par envoyer étudier au Swaziland; irruptions en pleine nuit dans la petite maison d’Orlando ouest à Soweto, menaces répétées; et puis la prison en 1969 pendant 491 jours –elle vient, en 2013, de publier le journal qu’elle a tenu alors: les fouilles vaginales, l’isolement, la torture, l’humiliation...
Avec la révolte des écoliers contre l’enseignement de l’afrikaans en 1976, Winnie acquiert une stature au niveau national. Puis, le régime l’assigne à résidence pour dix ans. Elle est interdite de séjour à Soweto, confinée à plusieurs centaines de kilomètres dans le très conservateur Etat d’Orange, à Brandford: sa «petite Sibérie».
«C’est alors que j’ai pris contact avec elle, raconte Alain Bockel, conseiller culturel à l’Ambassade de France à l’époque. Je n’avais parlé à personne de cette visite. Et hormis peut-être un Norvégien de service, aucune des “grandes” ambassades ne lui avait encore rendu visite. Elle paraissait alors très seule
La loi interdit de parler de Mandela. Ni ses photos, ni ses propos ne peuvent être publiés. Et s’il continue à exister aux yeux de la population sud-africaine et de l’opinion publique internationale, c’est en grande partie à l’activisme de Winnie qu’il le doit.
A partir de 1980, la campagne «Free Mandela» est lancée. Deux ans plus tard, Mandela est transféré sur le continent, dans la prison de haute sécurité de Pollsmoor. En 1984, ils auront leur première «visite de contact». Winnie apparaît alors comme dépositaire des propos et des consignes du leader. Alain Bockel raconte:
«Elle m’avait longuement expliqué qu’il n’était pas question pour l’Afrique du sud de répéter les erreurs des révolutionnaires africains au moment des Indépendances. Visiblement, elle en avait parlé avec Nelson Mandela et avait reçu la consigne de faire passer le message.»
En 1985, le Glasgow Herald écrit:
«Ils peuvent bien écrire des chansons pop sur le combattant de la liberté Nelson Mandela (...) mais sa femme est toute aussi –et de plus en plus– importante aux yeux des Sud-Africains
Mais Winnie est aussi le talon d’Achille de l’ennemi numéro 1 du régime blanc. Ses «infidélités» ont été distillées à Mandela par le biais de l’administration pénitentiaire qui, à Robben Island, parsemait son lit d’articles parus dans la presse évoquant les liaisons de sa femme. Et puis certaines de ses déclarations ne sont pas exactement dans la ligne de Mandela: comme lorsqu’elle prône, en 1985, de faire subir aux «traîtres» (noirs qui travailleraient pour la police et dont Winnie avait la hantise tant furent nombreuses les infiltrations de son entourage) le «supplice du collier», un pneu arrosé d’essence enflammée passé autour du cou. Plusieurs centaines de supposés «indics» mourront ainsi dans les années 1980, parfois victimes de rumeurs ou de règlements de compte plutôt que de faits de «collaboration».
C’est à l’époque de l’opération de la prostate de Mandela en 1985 (les autorités ont alors très peur que Nelson Mandela ne meure en prison) que Winnie voyage dans le même avion que le ministre de la Justice, Kobie Coetsee. Elle l’aurait alors convaincu de rendre visite à son mari. Les négociations secrètes entre le gouvernement nationaliste et Nelson Mandela débutent. Ce dernier est bientôt installé dans la maison confortable, avec piscine, du directeur de la prison de Victor Verster, aux environ du Cap. Niel Barnard, le chef des services de renseignements sud-africains, propose que Winnie vienne y vivre. Celle-ci refuse catégoriquement.
Quand s’est opéré le tournant chez Winnie? Quand a-t-elle «décroché»? Sa période de détention, en 1969, a indéniablement constitué une rupture. Puis à partir du milieu des années 1980, très courtisée, subventionnée, a-t-elle attrapé la «grosse tête»? A-t-elle sombré dans un délire paranoïaque –pas totalement injustifié– qui lui faisait voir des ennemis partout, si fréquent chez les hommes (et femmes) de pouvoir? Quel rôle l’alcool aurait-il joué dans ces dérives?
Informé par plusieurs responsables de l’ANC des exactions du Mandela United Football Club et de sa femme, et tout particulièrement du meurtre d’un jeune «comrade», Stompie Seipei, et de l’assassinat du dernier médecin, le docteur Abu-Bakr Asvat, qui l’a ausculté, Nelson Mandela se fâche mais ne parvient pas à se faire entendre de Winnie. Celle-ci joue de plus en plus «perso». Sans exclure une certaine jalousie à son égard de leur part, les caciques du mouvements anti-apartheid sont exaspérés. «Elle n’en fait qu’à sa tête», se plaint le président de l’Association civique de Soweto, Isaac Mogase, sorte de «maire de l’ombre», qui s’en ouvre à un prêtre français vivant à Soweto, Emmanuel Laffont, lequel fera parfois office de médiateur.
A la veille de la libération de Nelson Mandela, la tension est telle que certains responsables font pression pour que, le 11 février 1990, Nelson Mandela ne sorte pas au bras de Winnie. Ce dernier refuse, et rend un hommage appuyé à sa femme.
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Parallèlement, l’homme des services secrets de l’ANC en exil puis du gouvernement de la nouvelle Afrique du sud, Joe Nhlanhla, qui avait connu Mandela dans les années 1950, est personnellement chargé de la chaperonner.
Tandis que Winnie détient certaines positions (à la tête de la ligue des femmes de l’ANC, puis au gouvernement), elle multiplie les critiques à l’égard du processus de négociation, dont elle est exclue, dénonce des compromissions et l’élitisme des dirigeants. Puis réfute la légitimité de la Commission de la vérité et de la réconciliation, mise en place en 1995, devant laquelle elle comparaît mais ne cède presque rien. Elle semble parfois proche du Mouvement de la conscience noire. Et elle a des mots très durs pour Nelson Mandela, à qui elle reproche d’avoir bradé le «deal» final. En 2010, elle assène:
«L’économie est toujours très blanche (…) tant (de noirs) ont donné leur vie pour la lutte et sont morts sans en avoir été récompensés.»
Et c’est en cela que Winnie Mandela ne peut être ignorée aujourd’hui.
Aussi paradoxal que ce soit, elle représente ces Sud-africains, essentiellement noirs, qui reprochent à Nelson Mandela d’avoir trop cédé aux intérêts blancs. Certes, une nouvelle bourgeoisie, les «black diamonds», a vu le jour, mais vingt ans ont passé depuis l’élection du premier Président noir en 1994, or près de la moitié des noirs de moins de 30 ans sont au chômage, et le revenu moyen des blancs reste six fois supérieur à celui des noirs.
C’est ce que dénonce également l’une des figures montantes de la scène politique sud-africaine, Julius Malema, qui, à la tête de la Ligue de la Jeunesse de l’ANC, s’est opposé à la vieille garde, un peu à l’image de Nelson Mandela dans les années 1950. Ce populiste de 32 ans, qui trempe dans plusieurs affaires financières obscures, a dénoncé «l’impérialisme américain», lancé de véritables appels au meurtre des fermiers blancs, soutenu la politique de Robert Mugabe au Zimbabwe, et prôné la nationalisation des mines.
Suspendu de l’ANC pour cinq ans en 2012, béret rouge à la Hugo Chávez vissé sur la tête, Julius Malema vient de lancer le parti des«Combattants pour la liberté économique» (EFF). Et fin novembre, il a rendu un hommage appuyé quoiqu’ambigu à Winnie Mandela:
«Si nous avions tout le pouvoir, nous devrions faire d’elle notre Présidente avant qu’elle ne meure. Si nous n’honorons pas Winnie, cela veut dire que la propagande de l’apartheid a réussi.» 
En Afrique du sud, il y a aussi ceux qui critiquent la politique de réconciliation de Nelson Mandela. Ils lui reprochent même, parfois, à mi-mots, de les avoir «volés d'une révolution». Et ils sont loin d’être marginaux. Dans ce combat-là, alors l’icône Winnie, l’autre Mandela, leur est bien utile.
Ariane Bonzon