mardi 7 février 2012

Présentation du métier d’investisseur financier par Marlène Ngoyi (2)

On 2 février 2012 · In Parcours

Suite de l'interview de Marlène Ngoyi :

A quoi ressemble ta journée type ?

Je commencerai par dire qu’il n’y a pas de journée type en private equity. En fait tu as plusieurs métiers en un, différentes casquettes qu’il faut savoir porter alternativement au quotidien :
1. Deal sourcing : Rencontrer des entrepreneurs, obtenir des informations sur une industrie et sur les dynamiques du marché, découvrir si des besoins en financement existent.

2. Deal structuring : Quand une entreprise est intéressée, il s’agit de structurer le deal. Pour cela on passe par : a) une valorisation ; b) réfléchir à la manière la plus adéquate de financer l’entreprise, c) convaincre le CA de Catalyst qu’il s’agit d’un deal qui en vaut la peine.

3. Portfolio Management : Il s’agit de se mettre d’accord avec l’entreprise (management, shareholders) sur un plan clair pour les 100 premiers jours suivants l’investissement et les 5 prochaines années. Il faut être sûr que toutes les ressources humaines et financières sont en place pour exécuter ce plan. Il s’agit également de participer au CA, de se réunir très régulièrement (tous les trois mois) pour réévaluer le plan stratégique et s’adapter au marché au jour le jour tout en gardant le cap. Le plus important étant de travailler avec une équipe qui est d’accord sur un objectif commun.

Un petit point à rajouter ici, Catalyst associe au plan stratégique un plan ESG (Environnement ; Aspects Sociaux; Gouvernance). Il est fondamental pour Catalyst que le fond opère sur ces trois secteurs aux meilleurs standards internationaux. Alors que l’entrepreneur peut d’abord le voir comme un coût Catalyst le considère comme un vrai investissement. Un investissement sur deux niveaux :

a) Etre « socialement » responsable c’est, par exemple, traiter correctement ses employés ce qui a, in fine, pour effet de limiter le turnover, de garder des talents et d’en attirer de nouveau (ce qui réduit également les coûts à travers des gains de productivité) ; être « environnementalement » responsable permet également de faire des économies (à travers une meilleure consommation énergétique, le recyclage, etc.) ; être soucieux des aspects de gouvernance c’est donner à l’entreprise plus de chances de réussir (avec un CA doté des bonnes personnes, des procédures efficaces, une gestion optimale des risques, etc.) ;
b) Etre aux « normes internationales » sur tous ces plans permet de revendre plus cher une entreprise (a fortiori à des entreprises internationales soucieuses de ces aspects et prêtes à mettre le prix pour des business qui ont déjà fait l’effort de les mettre en place).
En plus des différents points que je viens d’aborder il faut aussi rajouter que Catalyst est elle-même une startup. C’est un premier fonds qui doit faire sa place (avec l’objectif de lever de nouveaux fonds par la suite). Ainsi, les tâches au quotidien peuvent également comprendre des opérations de promotion (comme une interview). Autre exemple : j’ai passé plusieurs jours cette semaine avec des chercheurs de la Columbia Business School qui écrivent un cas sur Catalyst.

Quels sont les principaux challenges pour un fonds de private equity voulant investir dans des entreprises est-africaines ? Quels sont les facteurs de succès d’un investissement ?

Challenge numéro 1 : le Private Equity en Afrique de l’est est un outil peu connu
Le plus gros challenge c’est que le Private Equity est relativement nouveau en Afrique de l’Est. Beaucoup d’entreprises sont des entreprises familiales. Il s’agit vraiment de les familiariser à l’outil, de les éduquer sur cette nouvelle forme de financement, de gagner leur confiance (notre présence sur le terrain est un atout). Il faut arriver à les convaincre que le Private Equity offre une voie intéressante vers la croissance. Il faut vraiment avoir en tête qu’en Afrique de l’Est, être entrepreneur forge l’identité d’une personne. Il est rare de trouver comme aux Etats Unis des personnes qui veulent monter leur boite et qui ont déjà comme perspective de la vendre et de gagner beaucoup d’argent via ce biais. Ici on transmet son entreprise de génération en génération.
La mise en exécution de ses ambitions
Les bases fondamentales de succès pour un investissement en Afrique de l’Est sont là. Les taux de croissance des entreprises dans lesquelles investit Catalyst sont souvent impressionnants (15 à 30%). Le plus gros challenge c’est l’exécution des ambitions qu’on s’est données. Ca dépend beaucoup de la qualité des ressources humaines.
Risque macro, ex. des fluctuations du change
Du côté des challenges macro économiques on peut citer le cas des entreprises qui importent leur matière première et qui souffrent des évolutions des taux de change qu’ils ne peuvent répercuter sur leurs clients généralement très sensibles aux prix. Il s’agit donc pour une entreprise est-africaine d’être en mesure d’absorber ce type de choc.

Quels ont été tes principaux challenges ?

Dans mon travail le challenge est de pouvoir changer de casquette souvent, très bien connaître des marchés et des pays différents, apprendre constamment.

Est-ce qu’il y a un secteur dans l’économie est-africaine qui t’intéresse particulièrement et pourquoi ?

Le FMCG : Fast Moving Consumer Good. Le marché des produits de grande consommation. C’est un secteur très concret qui nous renvoie à nos propres habitudes de consommation. Et c’est toujours excitant de voir dans un rayon de supermarché les produits de la boite dans laquelle tu as investie ! Tu y vois le résultat concret de tes efforts.

Comment gère-ton dans un fonds tel que Catalyst le facteur « risque politique » ? C’est ce qui retient beaucoup d’investisseurs de « s’aventurer » en Afrique / Comment l’appréhende-t-on ?

Catalyst reconnait bien évidemment l’existence de ce risque. Mais l’équipe considère, comme évoqué précédemment, qu’il y a eu de nombreux signaux positifs qui encourent les investissements. Bien sûr nous sommes nerveux pour 2012 et nous travaillons avec les entreprises pour prévoir des scénarios en adéquation avec ce calendrier (on ne prévoit par exemple pas de capex en 2012). Il y a aussi la conviction que le Kenya est une économie réactive. Après les troubles de 2008, l’économie a repris relativement vite. On pense que la tendance est à une assez grande résilience. En tout état de cause, nous en parlons beaucoup et d’après nos discussions il en ressort que la majorité des kenyans aspire à la stabilité. Nous espérons que cette volonté du plus grand nombre permettra de limiter les troubles.

Propos recueillis par Léa Guillaumot

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