mardi 14 février 2012

Nzinga Mbandi Kia Ngola

«Reine dont la Flèche atteint toujours son But »

Nzinga Mbandi, La Majestueuse

C'est en 1484 que les Portugais débarquent en Angola . Ils ont fait le voyage à bord des caravelles de l'amiral Diego Cao et découvrent cette partie de l'Afrique composée de 8 provinces extrêmement fertiles et sa population qui, bien que noire, se montre fort adroite et ingénieuse.

C'est une population organisée de manière industrieuse et dont les occupations sont variées: ils tissent du velours de raphia, travaillent l'ivoire, tannent des peaux, fabriquent des ustensiles en cuivre. On va jusqu’à l'extraction de mines et le commerce frontalier.

Mais les Portugais seront surtout frappés par les diamants dont regorgent le fleuve Cuanza et rapidement, ils s'approprieront l'endroit au nom de Sa Majesté le Roi du Portugal et en feront une escale d'approvisionnement en esclaves pour entretenir leur territoire au Brésil. La déportation des populations locales de cette nouvelle terre qi désormais leur appartient les permettraient de devenir les maîtres des richesses de ce pays.

Le seul obstacle auquel se voyaient confrontés les Portugais c'est ce terrible Royaume du Matamba-Ndongo.

Lorsque les habitants du royaume comprennent les intentions des nouveaux visiteurs, le souverain de l'époque n'hésite pas à envoyer ses soldats faire face aux conquistadors. Et pendant plus d'un siècle, les Européens s'essaieront à conquérir le royaume récalcitrant, combattus par les guerriers audacieux armés de lances.

Ce sont les provinces côtières qui tomberont d'abord, le Ndongo sera annexé et le Matamba perdra sa façade maritime, ce qui permettra aux Portugais de s'emparer de Luanda. De la ville ils exporteront de l'or, du diamant et des esclaves qu'ils ramèneront dans les plantations américaines.

Matamba continuera tout de même à faire de la résistance, et c'est sur cette terre que régnaient la famille de la Reine Nzinga.

En 1617, le 8ème Roi du Matamba-Ndongo, père de Nzinga, mourut. Son fils aîné Mani Ngola prit le pouvoir après avoir assassiné le successeur que son père avait choisi avant sa mort.

Il lèvera 30.000 guerriers, tous prêts à perdre la vie s'il le fallait pour faire reculer la menace portugaise. Mais plusieurs mois après, plus de la moitié de son armée perdit la vie et le roi dût revoir les limites des frontières.

Il enverra sa soeur, la princesse Nzinga, qu'il détestait pourtant, à aller négocier le traité à Luanda. De son vrai nom, Nzinga Mbandi Kia Ngola, « la reine dont la flèche atteint toujours son but » possède un tempérament de fer; c'est une habile tacticienne au charisme incontestable. Elle sera initiée dès le plus bas âge par son père dont elle était très attachée et qu'elle suivait partout. C'est qui lui appris à réagir comme un homme d'Etat.

Nzinga, accompagnée d'une escorte de courtisans, de serviteurs et d'un détachement armé n'eut besoin que de quelques jours pour atteindre Luanda. Mais elle ne reconnut plus la ville qui avait pris des allures de ville européenne, et à son grand étonnement, elle sera forcée de constater le contraste entre la nouvelle élite coloniale croisée dans les rues et les nombreux hangars à esclaves!

L'ambassadrice angolaise qui venait d'arriver dans la ville avait attiré une foule de curieux. On salua son arrivée et celle de sa délégation avec 21 coups de canons. A Luanda, l'excitation était à son comble. A l'apparition du cortège, la foule africaine ne put se retenir à pousser des cris de joie, bien qu'entourée de miliciens portugais.

Nzinga portait un pagne de velours fin en raphia et sa poitrine ferme était à peine recouverte d'une étole de couleur vive posée en écharpe sur ses épaules. Sa couronne était en or massive, sertie de pierres précieuses et surmontée d'une touffe de plumes multicolores, formant ainsi un casque sur sa tête. Il n'y avait aucun doute à ce sujet: son charisme et sa tenue traduisait la fierté des femmes de haute lignée.

Elle montra pourtant une certaine indifférence face à la curiosité et à l'enthousiasme provoqués par son passage et observait plutôt cet univers étrange au devant d'elle. Où étaient passées les cases rondes de jadis? Désormais, elle ne voyait plus que des habitations multicolores pourvues de larges balcons et leurs volets en bois. Elle remarquait aussi un nouveau type de population à la peau claire, sans doute un mélange entre les côlons et les noirs. Et il y avait ces Noirs qui avaient semblait-il "tronqué" leur tenue traditionnelle contre des tenues à l'occidentale.

Elle put reconnaitre dans les yeux du petit peuple la résignation et la révolte d'avoir été arrachés à leur plantations de vivriers privés, des métiers qui leur permettaient de vivre. Ils étaient impuissants, et leur seul statut était celui d'être esclaves ou serviteurs. Luanda était connu pour ses activités de traite barbares. Les esclaves y étaient parqués comme des bêtes et près de la moitié d’entre eux mourraient de malnutrition et de mauvais traitements avant même leur départ.

Accueillie au palais du gouverneur par le vice-roi du Portugal en personne, Don Joao Correia da Souza, Nzinga fut dirigée vers le salon où devaient avoir lieu les pourparlers. Mais en entrant dans la pièce, elle sentit son sang se glacer. Elle venait d’apercevoir, posés par terre sur un tapis, face à un fauteuil de velours rouge visiblement destiné au vice-roi, et le seul de la pièce, deux coussins de brocart à fil d'or. Elle comprit d'emblée que ces coussins lui étaient destinés et cette supposition lui déplut souverainement. Le visage fermé et d'un geste brusque, elle ordonna à l'une de ses servantes d'approcher.

Pendant toute la durée de l'entretien, Nzinga était posée sur le dos de sa servante à genoux, les coudes à terre. L'assemblée des officiers portugais était abasourdie et un bourdonnement se fit retentir tout autour d'eux. Les chroniques portugaises de l'époque parlent communément d'un sens de la répartie formidable et du stratagème politique dont avaient su faire preuve la reine audacieuse. En aucun cas elle ne céda sur ce qui pour elle relevait de la dignité de son peuple, et grâce à cet entretien, elle réussit à obtenir le retrait des troupes étrangères hors des frontières et gagna de la part des Portugais le respect dû au Royaume de Matamba.

A la fin de la négociation, le vice-roi proposa que le Matamba se mette sous la protection du Roi du Portugal, et cette proposition sous entendait en réalité le paiement annuel d'un impôt au Roi en livrant entre 12.000 et 13.000 esclaves par an aux côlons. Cette témérité finale qu'il avait osé manifester signifiait pour Nzinga qu'il n'avait pas compris qui elle était! Voici ce qu'elle répondit à cette proposition insultante du vice-roi:

"Sachez, Monsieur, que si les Portugais ont l'avantage de posséder une civilisation et des savoirs inconnus des Africains, les hommes du Matamba, eux, ont le privilège d'être dans leur patrie, au milieu de richesses que malgré tout son pouvoir, le roi du Portugal ne pourra jamais donner à ses sujets. Vous exigez tribut d'un peuple que vous avez poussé à la dernière extrémité. Or vous le savez bien, nous paierons ce tribut la première année et l'année suivante nous vous referons la guerre pour nous en affranchir. Contentez-vous de demander maintenant, et une fois pour toutes, ce que nous pouvons vous accorder".

Le débat était clos!

Nzinga, négociant devant le Vice-Roi du Portugal (dessin de l'époque)

En partant, Da Souza remarqua avec une certaine gêne que la jeune servante qui avait été utilisée comme tabouret n’avait toujours pas quitté sa pose. Nzinga lui expliquera ceci:

"L'ambassadrice d'un grand roi n'utilise jamais deux fois la même chose. Cette fille m'a servi de siège. Elle n'est plus à moi !"

Ainsi, en 1622 Nzinga fit une entrée remarquée dans l'histoire tourmentée des relations entre le Portugal et l'Angola. Mais la paix ne dura pas. Succédant à son frère en 1624, cette femme d’exception résista aux armées occidentales pendant 30 ans de campagnes quasi ininterrompues.

Nzinga bénéficiera du soutient de plusieurs Etats voisins et réorganisera son armée en formant ses soldats grâce à des exercices d'endurance comme elle avait vu le faire chez les Européens et donnera des responsabilités politiques à d'autres femmes de son Royaume. Elle ira jusqu'à lancer une police secrète pour aller sur le port de Luanda espionner les les troupes qui venaient de débarquer de Lisbonne et du Brésil.

Nzinga qui avait la nature pour allié dans sa stratégie politique choisissait les saisons porteuses de malaria pour harceler ses ennemis alors qu'ils faisaient face à des fièvres d'un genre inconnu. Les vices-rois qui se succédaient n'en pouvaient plus d'essuyer echec après echec face à cette femme indestructible qu'était la Reine Nzinga.

A 73 ans, Nzinga continuait à conduire ses troupes dans les montagnes, les forêts et les savanes. pas une seule once de son Royaume ne devait s'émietter.

Les Portugais, sous la direction du nouveau gouverneur Salvador Corréia, avaient fini par comprendre qu'une guerre interminable ne leur serait pas profitable, ils abandonnèrent. Un nouveau Traité de Paix fut signé à Lisbonne et la paix était revenue.

Nzinga mourut le 17 décembre 1664, à l'âge de 82 ans et ses dernières paroles étaient les suivantes:

« Mon seul regret est de ne pas laisser un fils qui puisse me succéder sur le trône du Matamba.»

Nzinga repensait certainement à son bébé de quelques mois qui tétait encore son sein et qui avait été assassiné par les sbires de son frère qu'elle haïssant tellement...

Nzinga Mbandi est restée l'emblême de la lutte contre l'invasion portugaise au 17è siècle. Elle jouit d'un grand respect aux yeux des Angolais qui ont élevé pour elle une statue dans le centre de Luanda, près de Largo de Kinaxixi.

On retiendra d'elle encore ces paroles adressées à un émissaire portugais en 1657:

"Étant née pour diriger mon Royaume, je n'ai pas à obéir ni à reconnaître un autre souverain et passer de Reine absolue à employée ou esclave. Si les Portugais veulent de moi une donation chaque année, qu'ils en fassent de même, et ainsi nous serons égaux dans la courtoisie."

Natou

Statue de le Reine Nzinga dans le centre de Luanda

Source : http://www.rha-magazine.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire