vendredi 3 février 2012

IDENTITÉ Être jeune femme noire qui a grandi au Canada


Par Denise Andrea Campbell

Demandez-moi ce que signifie être une jeune noire grandissant au Canada ? Plusieurs mots et phrases me viennent à l'esprit : invisibilité, compromis, un sentiment de honte, de tristesse et d'infériorité, un morceau manquant à ma personnalité, de la colère et de la frustration, essayer de me faire accepter... tant de choses. Je ne peux pas affirmer connaître l'expérience de chaque jeune noir au Canada mais je peux parler en mon nom.

Au Canada, mon entourage blanc ne connaît peut-être pas son histoire, comme ce que signifie être irlandais. Mais il y a assez de symbols, d'anecdotes et d'histoire humaine pour leur dire qu'ils sont importants et les faire sentir importants. En mettant sur pied Contact jeunes femmes, je me suis assise avec d'autres jeunes de couleur pour parler du comment et du pourquoi nous n'étions pas facilement identifiables en tant que canadiens, car l'histoire dominante du qui et de quoi est composé le Canada, ne tient pas compte de nous. Il n'y a pas une parcelle du drapeau qui parle honnêtement et ouvertement des esclaves au Canada, par exemple. On ne parle que de du « chemin de fer » clandestin ou d'Africville. Qu'en est-il des centaines de chinois qui sont morts en construisant le chemin de fer national et des 25 ans

qu'a passé le gouvernement canadien à fermer les fontières aux immigrants chinois ? Qu'en est-il des questions qui ont été posées aux non blancs, nés ici ou ailleurs : « d'où viens-tu ? ». Qu'en est-il du fait que lorsque l'on pense à « canadien », l'image qui nous vient à l'esprit ne nous concerne pas ?

Plus j'écoute le gouvernement canadien parler de notre succès en tant que société multiculturelle au Canada lors du processus de la Conférence mondiale contre le racisme (CMCR), plus c'était évident qu'il ne décrivait pas pleinement ma réalité en tant que jeune noire vivant au Canada. Je me souviens que l'on m'avait demandé de prononcer un discours lors du mois de l'hisotire des Noirs à propos de la contribution des Noirs à l'Éducation. J'ai été étonnée de voir que je connaissais peu ou presque rien de cette contribution... Et ce n'était pas parce que les gens qui me ressemblait n'avait pas contribué à quelque chose. C'est parce que j'ai grandi dans un pays qui gardait en mémoire ces contributions hors des livres, des lectures, des émissions de télé, de la politique, des nouvelles, des histoires et de la pratique. « Hé, retournez d'où vous venez ». Randall Robinson, un activiste afro-américain et auteur d'un nouveau livre très recommandé : « The debt-What America Owes Blacks », a dit lors d'une conférence à laquelle j'ai participé en juillet pour me préparer à la CMCR, que la pire chose que l'on peut faire à quelqu'un est de lui enlever son Histoire. J'ai été très attentive à ce commentaire et à ses répercussions dans ma vie en tant que jeune noire avec l'esclavage comme seule histoire de mes semblables... L'Afrique du Sud m'a confirmé l'énorme vide que je traînais avec moi concernant la couleur de ma peau, ce que ça signifie aujourd'hui et d'où je viens (et prenez note que je suis une activiste qui a passé plusieurs années sur l'antiracisme, alors ce n'est pas une question de politique ou de discours académique; c'est viscéral)...

Alors, me retrouver en Afrique, un continent avec tellement d'Histoire, de royauté, de beautés naturelles et de couleurs noires, était très enrichissant. Ceux qui me connaissent vraiment, savent que je ne suis pas une de celles qui est fanatique de tout ce qui est « noir ». Je connais mes racines, j'ai un rapport étroit avec l'Afrique et je fais partie de la diaspora que je considère la mienne. Mais me retrouver dans un endroit où mes frères et sœurs, avec un peau comme la mienne, ont une Histoire vieille de centaines d'années, où la royauté, le nombre et la fierté reignent, où il y a royaumes, dictateurs, érudits, guerriers, activistes et héros, je me sentais différente d'être noire. Je ne me suis jamais rendue compte du poids réel et de l'impact qu'avait sur moi le fait de grandir au Canada et de recevoir une éducation dans un système de blancs. Je savais que grandir de cette façon, spécialement sans parents et communauté qui pouvaient combler ce vide, aurait des conséquences. Je l'ai toujours su et j'ai commencé à en constater sa gravité à la CMCR, entourée de plus en plus de noirs, s'appelant maintenant des descendants africains, stratégie politique au moment où nous faisions des demandes auprès des états sur l'esclavage et son héritage. Lorsque M. Robinson a parlé, je savais que l'hisotire des Noirs commençait par l'esclavage et la propriété. Tout ce que j'avais pensé, cru et tenté de désapprendre, émanait de cette histoire. Comment cela affecte t-il les gens dont la seule histoire que tu connaisses est celle de la domination et de l'infériorité ? Je regarde les autochtones et comprend ce que cela leur fait. Je regarde les jeunes homme noirs, le racisme interne et la haine si encrés dans la jeune population noire, que nous pensons que c'est normal... de connaître les effets de cette Hisoire limitée.

En Afrique, j'ai commencé à constater qu'elle avait une autre Histoire. Elle commence bien avant que l'on nous possède et détruise. Oui, mes pairs ont une Histoire bien avant que nous soyons esclaves... Et le savoir, y croire au plus haut degré, a été d'un plus grand soulagement. Lorsque j'ai vu des danseurs zoulous donner une performance en honneur du grand roi Shaka et que j'ai appris que plusieurs Jamaïcains étaient d'origine zoulou, quelque chose en moi me propulsa à m'approprier ces gens et cette Histoire. Lorsque les délégués sénégalais me disaient que je leur ressemblais, la même soif d'origine et de grandeur m'envahit. Trois des papes avaient été africains...

Moïse avait eu une femme éthiopienne noire... Mes compatriotes ont beaucoup plus que la honte à leur actif.

Mais il y a tellement que je ne connais pas, n'ai pas vécu et que j'ai à apprendre. Mais le petit aperçu que j'ai eu, que jadis nous étions Grands, a eu l'effet d'un puit se remplissant d'eau après des années de sécheresse, me remplissant de joie dans des endroits que je pensais impossibles. Ce fut le début de l'apaisement, d'un sentiment complet, de fierté et d'un travail politique et intellectuel vrai dont le but était de désapprendre mon racisme interne et les doutes que j'avais sur les gens et les endroits qui étaient aussi foncés que moi. Ô combien j'aurais voulu ça pour mes frères, pour les autres jeunes noirs, pour les Noirs. La meilleure chose que l'on puisse faire à quelqu'un est de lui raconter son Histoire. Pat Bradshaw l'a illustré dans l'histoire surprenante de l'hôpital; les histoires doivent être racontées par les chefs, dans les publicités, dans les photos, dans les budgets, sur les monuments, avec humour et humeur, dans les légendes et les prières, dans les pratiques et les symbols...

J'adorerais passer un an en Afrique pour me mêler à tous ce qui est « noir » car ce serait completer mon éducation et m'accomplir en tant qu'individu. Je comprends maintenant sous un nouvel angle la raison pour laquelle Joan Grant Cummings a cru bon d'amener son fils en Jamaïque à cette époque-là de sa vie. C'est bizarre de penser que dans ce monde différent que nous apprenons à connaître, rempli de douleur, de mort, de désastre et de peur, qu'il en ressorte tellement de vie. C'est ce que mon petit « coup d'œil » d'Afrique a éveillé en moi

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