vendredi 3 février 2012

ANGOLA : Une loi sur les violences conjugales, une évolution des droits des femmes


Louise Redvers

JOHANNESBURG , 25 juil (IPS) - Grâce à une nouvelle loi sur les violences conjugales en Angola, les femmes maltraitées au foyer et qui dépendent financièrement de leurs agresseurs peuvent désormais dénoncer le crime avec l'assurance qu'elles pourront obtenir un appui financier et médical de l'Etat.

Les activistes des droits des femmes ont salué l'introduction de la nouvelle loi, qui a été inscrite dans le code des lois le 8 juillet, et qui criminalise les violences conjugales, offre une protection aux victimes et à leurs familles.

Jusque-là, les violences conjugales n'étaient pas illégales en Angola - et les rares occasions où elles ont été portées devant les tribunaux, elles ont été traitées conformément aux lois sur le viol, les coups et blessures.

Cette loi, qui a été inscrite dans le code des lois, garantit un appui aux victimes, à travers des maisons sécurisées, un traitement médical et une aide financière et juridique. En outre, ces violences ont été qualifiées de "crimes publics", ce qui signifie que n'importe qui peut les signaler à la police, pas seulement la victime.

"Accorder aux autres le droit de dénoncer les violences conjugales aide aussi, parce que les victimes peuvent avoir honte de leur situation et pourraient ne pas vouloir parler de ce qui leur arrive", a expliqué Suzana Mendes, éditrice de 'Angolense', un hebdomadaire privé basé à Luanda, et l’un des principaux membres du 'Angolan Forum of Women Journalists' (Forum angolais des femmes journalistes), qui a beaucoup fait pression pour la nouvelle loi.

Le fait que n'importe qui peut signaler les violences conjugales, et que les victimes bénéficieront d’un appui financier et médical, est crucial pour l'impact de la nouvelle loi, confie Mendes. Toutefois, aucun détail n'a été donné sur la somme d'argent qui sera mise à la disposition des victimes.

"Avec les violences conjugales, il y a tellement de facteurs que vous devez prendre en considération", a-t-elle expliqué.

"Pour beaucoup de victimes, elles sont piégées et incapables de signaler leurs problèmes parce qu'elles sont financièrement dépendantes de leur agresseur. Désormais, elles peuvent contacter la police et savent qu'elles ne seront pas laissées vulnérables", a déclaré Mendes.

Cette loi, en élaboration depuis 10 ans, articule de nouvelles définitions des violences conjugales, qui comprennent la privation d'un enfant de nourriture, l’incapacité à bien entretenir la femme enceinte et le fait d’avoir abusé sexuellement d'une mineure ou d’une personne âgée dont on a la charge.

"C'est une très bonne nouvelle. Nous avons passé plusieurs années à lutter pour cette loi et cela n'a pas été facile".

"Nous avions un gros travail pour prouver à la société que la loi était nécessaire, pour expliquer ce que signifiaient les violences conjugales. Au début, certaines personnes voyaient cette loi comme étant quelque chose qui était non-africain parce qu’elle interférait avec les familles, et d'autres la considéraient comme étant anti-hommes", a indiqué Mendes.

Les mariages traditionnels avec les filles de moins de 14 ans ont été également interdits et il existe de nouvelles lois sur les finances familiales, accordant aux femmes plus de droits à l'héritage et à l'argent de la famille.

Sizaltina Cutaia, du bureau de 'Open Society Initiative for Southern Africa' (Initiative d’une société ouverte pour l'Afrique australe), en Angola, a également salué cette loi.

Mais elle a dit que ce n'était pas garanti que les promesses faites dans la loi soient réalisées dans la pratique.

"En tant que pays en général, nous n'avons pas de très bons résultats en termes d'application des lois et il y a trop d'exemples pour prouver cela", a-t-elle déclaré à IPS.

"Je pense que l'adoption de la loi est un excellent point de départ, mais il faut que des ressources soient allouées pour fournir une formation aux policiers (hommes et femmes à la fois) ainsi que pour sensibiliser la population, en particulier les femmes et les filles, sur le contenu de la loi et le processus que l'on doit suivre pour dénoncer une violence".

Il n'existe pas de statistiques concrètes sur les niveaux des violences conjugales en Angola, en partie, parce que jusque-là, il n'existe aucune définition juridique, et tous les incidents qui sont signalés ont été enregistrés comme étant des agressions ordinaires.

Toutefois, dans une enquête réalisée en 2008 par 'Angolan Women's Organisation' (Organisation des femmes de l’Angola - OMA), l'aile des femmes du parti au pouvoir, le Mouvement populaire pour la libération de l'Angola, dans un seul district de Luanda, la capitale, les chercheurs ont dénombré environ 4.000 incidents pendant 12 mois – près de 10 attaques par jour.

Et une autre étude, citée dans le rapport 2009 du département d’Etat américain sur les droits de l'Homme en Angola, a indiqué que 62 pour cent des femmes vivant dans des banlieues pauvres de la capitale ont été victimes d’une certaine forme de violence conjugale.

Malgré ce taux d'incidence élevé perçu, il n'existe aucun réseau d’appui formel et seulement une poignée de maisons sécurisées gérées par l'OMA à Luanda. Peu de femmes ont pris la peine de dénoncer les violences conjugales parce qu’elles estimaient que les poursuites n’aboutiraient et ne feraient que compliquer les choses davantage.

Cutaia a admis que les violences conjugales étaient endémiques en Angola et espère que la nouvelle loi, appuyée par un programme d'éducation civique, commencerait à s'attaquer au problème.

"Lorsque je grandissais, les violences conjugales étaient partout autour de moi et je me souviens d'une voisine qui était très sévèrement battue et d’un homme debout à côté dire que parfois, les hommes frappent les femmes pour leur prouver qu'ils les aiment", se rappelait-elle. (FIN/2011)

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