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Samedi, 02 Avril 2011 09:51 |
Voila une question qui, à priori, peut paraître provocatrice, mais qui, en réalité, vaut la peine d’être soulevée, surtout dans le contexte de la célébration de la journée internationale de la femme (le 8 mars dernier). En effet, comme nous le savons déjà, l’image traditionnelle de la femme, surtout en Afrique, retranchée jadis à la périphérie de la gestion des affaires publiques, a connu une légère amélioration, ces dernières décennies. Parmi les avancées sociopolitiques observées en Afrique, en milieu féminin, retenons trois faits majeurs: l’attribution, en 2004, du Prix Nobel de la Paix à la militante écologiste kenyane, Wangari Muta Maathaï; l’élection, en novembre 2005, à la tête du Liberia, d’Ellen Johnson Sirleaf, et la présidence par intérim du Gabon par la sénatrice Rose Francine Rogombe, en 2009. Ces percées, qui constituent une grande première en Afrique, ne sont-elles pas les prémisses d’une révolution culturelle des mentalités politiques? N’y a-t-il pas là un signe des temps vers une consécration totale de la femme africaine dans l’exercice du pouvoir politique? En tout cas, les femmes en Afrique, peuvent-elles représenter une alternative crédible au changement des mentalités politiques tant souhaité dans nos sociétés? Telles sont les questions auxquelles nous voulons répondre. La femme dans le paysage politique en Afrique, hier et aujourd’hui Dans les sociétés africaines traditionnelles, les femmes jouent, ont joué un rôle mineur dans la gestion des affaires publiques. Il existe peu d’exemples de femmes qui soient investies de la souveraineté suprême et placées seules au sommet de la hiérarchie sociale et politique. Toutefois, dans la plupart des systèmes monarchiques, une ou deux personnalités féminines de premier plan sont associées au pouvoir et occupent une position soit homologue à celle du roi, soit complémentaire. C’est le cas des royaumes Loango où la «Makunda» (une des femmes du roi) avait, selon Annie Merlet, «une position semblable auprès du roi vili» (1) et téké où «une triade est également à la tête de la royauté: le roi Ma Onkô, et les deux femmes, la Wanfitere et la Ngasa» (2). Durant l’administration coloniale, la situation de la femme africaine en politique ne s’est guère améliorée. Ce statut quo a persisté jusqu’aux indépendances où, très timidement et de façon très insignifiante, quelques femmes prirent la gestion de certains secteurs de la vie publique. Ce constat est dû au bas niveau de formation et d’information politique des femmes, accentué par des croyances sociales profondes et souvent inconscientes. De nos jours, la législation politique, dans la majorité des pays africains, prône certes la parité ou l’égalité de droits entre l’homme et la femme, mais il n’en demeure pas moins vrai que les deux sexes participent inégalement à la politique. D’où, cette égalité est beaucoup plus de droit que de fait. Actuellement, par exemple, sur 37 ministres qui composent le gouvernement du Congo-Brazzaville, il y a 5 femmes. En République Démocratique du Congo, sur 44 ministres, il y a 5 femmes. Quelle coïncidence entre les deux Congo? Au Sénégal, sur 42 ministres, il y a 12 femmes. En Afrique du Sud, sur 32 ministres, il y a 12 femmes. Au Maroc, sur 34 ministres, il y a 5 femmes. Cette grille comparative peut-être élargie au sénat, à l’assemblée nationale, aux administrations territoriales ou départementales, aux collectivités locales, aux associations et partis politiques, etc. Tous ces éléments, non exhaustifs pour autant, prouvent à suffisance qu’en Afrique, la représentativité de la femme en politique pose problème. Ce constat révèle un véritable contraste dans la mesure où les femmes constituent une part importante de l’électorat en Afrique. Plus qu’hier, les femmes sont, aujourd’hui, bien formées et bien informées. Peuvent-elles, alors, représenter une alternative crédible au changement de mentalité dans la modernité politique en Afrique? Les atouts de la femme africaine en politique En abordant cette problématique complexe de l’engagement politique des femmes en Afrique, notre intention n’est pas de minimiser l’action de l’homme en politique, quitte à le substituer par la femme, encore moins de susciter des polémiques passionnées où l’homme et la femme se renvoient les responsabilités. Mais, nous entendons cibler quelques atouts qui font de la femme africaine une actrice indispensable, au même titre que l’homme, sur le front politique. La femme, en Afrique, exerce une influence profonde et constante sur la société. Elle représente la tradition dans la transmission des valeurs. Rien de durable ne pourra être construit sans qu’elle y soit associée. D’ailleurs, ne dit-on pas souvent qu’éduquer une femme, c’est éduquer toute une nation? Le sein de la femme est la première planète de l’humanité, la première école de la vie. Au sujet de la femme africaine, voici les vers que le poète guinéen Camara Laye pose comme une perle précieuse au fronton de son roman l’Enfant noir: «Femme noire, femme africaine, ô toi, ma mère, je pense à toi... O Dâman, ô ma mère, toi qui me portas sur le dos, toi qui m’allaitas, toi qui gouvernas mes premiers pas, toi qui la première m’ouvris les yeux aux prodiges de la terre, je pense à toi... Femme des champs, femme des rivières, femme du grand fleuve (...) Femme simple, femme de la résignation, ô toi, ma mère, je pense à toi...». L’organisation sociale en Afrique est concentrée sur la cellule familiale dont l’actrice principale de sa survie est indéniablement la femme. Rares sont les femmes qui ne font rien en Afrique. C’est ce qui explique le nombre important des femmes engagées dans les activités économiques informelles. En sus de ces activités d’ordre économique, les femmes fournissent une part considérable du travail social ou travail domestique, qui représente, d’ailleurs, plus de la moitié des heures travaillées. Avec les crises économiques à répétition, nombre de familles africaines, aujourd’hui, survivent grâce aux petits commerces, aux petits métiers, aux activités agricoles effectuées par les femmes. Cela étant, on sent, de plus en plus, le poids économique de la femme dans les ménages, bien qu’elle reste encore active sur le plan de l’éducation des enfants, laquelle lui est acquise de façon traditionnelle. Ces pierres d’attente traditionnelles peuvent concourir à l’édification des valeurs démocratiques, à savoir la paix, la bonne gouvernance, l’alternance politique, la protection de l’environnement, etc. C’est justement sur ces leviers, à savoir l’économie et l’éducation que l’on peut parler d’atouts de la femme africaine en politique. Désormais, il suffit d’une prise de conscience aigue de sa part. Celle-ci passe par une bonne éducation familiale, scolaire, sociale, professionnelle et civique. Car, «l’éducation de la femme africaine, c’est l’élévation morale et intellectuelle, c’est la revalorisation des peuples africains» (3). Ce n’est qu’à ce prix que les femmes africaines pourront influencer les institutions de prise de décisions politiques, lesquelles institutions sont dirigées par d’autres personnes que leurs époux, leurs frères ou leurs enfants. Femmes, à vos marques, prêtes, partez! Fabrice N’SEMl
Notes 1- Annie M-D, LEBREUF, in «Femmes d’Afrique Noire», Paris, Mouton et CO, 1960, P. 103; 2- Ibidem, P.105. 3- Marguérite Sacoum, in «Tradition et modernisme en Afrique noire», Paris, Seuil, 1965, p. 88. source: www.lasemaineafricaine.com |
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