Le développement, au cours des dernières décennies, des banques centrales et banques d'investissements nationales et régionales en Afrique a permis l'émergence d'une nouvelle élite de technocrates spécialistes de l'économie. Linah Mohohlo, Gouverneur de la Banque centrale du Botswana, en est sans doute l'un des meilleurs exemples.
Issue des milieux ruraux du Bostwana, Mohohlo entame ses études supérieures en Comptabilité, Economie, Finance et Investissements à l'Université du Botswana. Elle s'envole ensuite à l'étranger pour poursuivre ses études en économie, à la Georges Washington University (Etats-Unis, Washington DC) puis à la University of Exeter (Royaume-Uni). En 1976, une fois ce cursus académique terminé, elle rentre dans son pays natal au moment même où est créée la Banque centrale où elle trouve à travailler. La future Gouverneur commence au bas de l'échellon et entame une carrière laborieuse de fonctionnaire, qui l'amènera à travailler dans la plupart des Départements de l'institution bancaire. Elle est à ce titre un témoin et un acteur privilégié de l'affirmation des politiques monétaires indépendantes en Afrique, ce qui est particulièrement le cas pour les pays hors zone CFA. Linah Mohohlo sera par exemple chargée au milieu des années 1980 de créer le Département des marchés financiers au sein de la Banque centrale, qui gère les réserves de change par des opérations d'open-market. Elle est l'une des pionnières de cette activité en Afrique.
Linah Mohohlo se fait transférer au début des années 1990 au siège du FMI à Washington, où elle représente au sein du Département Afrique les pays anglophones du continent. Elle sera plus tard la représentante du FMI au Botswana, et travaillera également au sein du Département des systèmes monétaires et financiers. Une expérience enrichissante, selon ses propres dires, qui lui a ouvert les yeux sur la diversité des modalités de gestion de l'économie dans le monde. Elle revient au sein de la Banque centrale du Botswana en 1997, en tant que Vice-Gouverneur. Deux ans plus tard, elle prend la tête de l'institution, fonction qu'elle occupe jusqu'à ce jour. Son action en tant que Gouverneur de la Banque centrale du Botswana lui a valut de nombreuses distinctions, parmi lesquelles le titre de meilleur Banquier central d'Afrique sub-saharienne par Euromoney's Emerging Markets (deux fois: 2003 et 2008).
Forte de cette légitimité et de cette reconnaissance, Linah Mohohlo a commencé à être sollicitée à l'international. C'est ainsi qu'elle a été invitée par l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair à rejoindre la Commission pour l'Afrique qui a publié un rapport en 2005, "Notre intérêt commun", qui a grandement participé à la réduction de la dette des pays les plus pauvres, dont principalement des pays africains, à Gleaneagles en 2005. Elle a été nommée membre en 2008 du Comité Investissement de l'ONU par son secrétaire général, Ban Ki-Moon. Une carrière à l'international qui n'est sans doute pas terminée.
Ce parcours brillant s'est réalisé dans un contexte difficile. Les femmes font toujours l'objet de nombreuses discriminations au Botswana. La réussite de Linah Mohohlo offre toutefois un motif d'espoir et un encouragement pour toutes celles qui souhaiteraient faire aussi bien ou encore mieux. Dans la biographie qui lui est consacrée par le magaine Finances et développement, elle confie: "Je pense que quelqu’un qui veut réussir — homme ou femme — ne doit pas se concentrer sur les obstacles à surmonter, car il y en aura toujours, et j’ai été, quant à moi, tout simplement trop occupée pour passer du temps à le faire."
Emmanuel Leroueil
Pour aller plus loin:
La notice biographique de Linah Mohohlo sur le site de la Banque centrale du Botswana: http://www.bankofbotswana.bw/index.php/content/2009102212149-governor
Un article du magazine du FMI Finances et développement biographique et analyse de l'action en tant que Gouverneur de la Banque centrale: http://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2004/12/pdf/people.pdf
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