lundi 6 février 2012

Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République du Mali: Nous sommes indignés!

Monday 16 January 2012

Lettre ouverte envoyée par l’Espace d’Echanges, de Dialogue et d’ Actions des femmes du Mali

Bamako, le 12 janvier 2012

Monsieur le Président de la République,

Nous sommes indignés!

Indignés face au nouveau Code des personnes et de la famille, qui vient d'être adopté en seconde lecture par l’Assemblée Nationale, le 2 décembre 2011. Ce Code, qui était censé corriger les discriminations et améliorer le statut de la femme malienne et des enfants maliens, en réduisant les inégalités et en harmonisant les lois internes avec les conventions régionales et internationales ratifiées, a été une véritable déception et un vrai recul en matière de droits humains des femmes et des enfants. Comment comprendre qu’après la ratification par le Mali des instruments régionaux de protection des droits de la femme, comme le Protocole de Maputo et la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard de la femme, le Mali puisse élaborer un Code des personnes aussi discriminatoire et rétrograde, qui légitime les inégalités? Même les droits qui avaient été acquis depuis 1962 et 1973 ont été remis en cause dans ce nouveau Code des personnes et de la famille. Nous avons ainsi reculé de 50 ans.

A titre d’exemples, voici quelques articles.

L’enfant naturel avait un statut stable au Mali depuis 1973. Malheureusement, ses droits viennent d’être remis en cause dans l’Article 481 alinéa 1 du nouveau Code, comme suit: «Tout enfant né hors mariage, autre que celui né d’un commerce adultérin, peut être légitimé par le mariage subséquent de ses père et mère, lorsque ceux-ci les ont reconnus avant leur mariage et les reconnaissent au moment de sa célébration. Dans ce denier cas, l’officier de l’état civil qui procède au mariage constate la reconnaissance et la légitimation dans un acte séparé»; alors que le texte adopté en 2009 disait: «Tout enfant né hors mariage, fût- il décédé, est légitimé de plein droit par le mariage subséquent de ses père et mère…».

Article 282 (2011): «L’âge minimum pour contracter mariage est fixé à dix huit ans pour l’homme et seize ans pour la femme».

Article 285, Alinéa 1 (2011): «Le futur époux ne peut contracter mariage, en cas de dispense d’âge, sans le consentement de ses père et mère. En cas de désaccord, l’avis du père suffit»; Alinéa 2 : « En cas de décès ou d’impossibilité pour le père de manifester sa volonté, le consentement du conseil de famille élargi à la mère suffit».
Article 290 (2011): citant les mariages désormais non prohibés. «- L’homme et l’ancienne épouse de ses oncles paternels et maternels, - La femme et le frère de son mari vivant, - L’adoptant et l’adopté, peuvent se marier». Où est la morale, religieuse comme coutumière, ici ? N’est ce pas la porte ouverte à des conflits familiaux qui vont nécessairement troubler l’ordre public?

L’adoption-filiation n’est plus permise qu’aux Maliens, ce qui exclut l’adoption internationale, malgré tous ces bébés abandonnés qui sont morts cette année à la Pouponnière. Faut-il rappeler à ce sujet que le Mali a ratifié la Convention de la Haye? Dans l’Article 347 sur les causes de divorce, on a ajouté en 2011: «- Le manquement à un engagement substantiel». C’est une cause fourre-tout, non explicitée.

Le Mali est donc un Etat qui ratifie les textes régionaux et internationaux pour faire bonne figure et empêche ensuite ses citoyens d’en jouir. Exemple patent: l’ancien Article 25 (2009) stipulait que «Les Traités et Conventions régionaux et internationaux relatifs aux droits de la femme et de l’enfant ratifiés par le Mali s’appliquent». Il a été supprimé dans la version 2011. Les dirigeants maliens sont pourtant fiers de clamer que la démocratie malienne est un modèle. Quelle démocratie? Et quel respect des droits de l’homme? Ce code est inique, car il institue de nouvelles discriminations et en légitime d’autres.

Le 3 novembre 2000, à l’issue du Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, les Ministres et Chefs de Délégation des Etats et Gouvernements des pays ayant le Français en partage ont adopté la Déclaration de Bamako. Celle-ci affirme: «la démocratie, pour les citoyens, y compris, parmi eux, les plus pauvres et les plus défavorisés, se juge, avant tout, à l’aune du respect scrupuleux et de la pleine jouissance de tous les droits, civils et politiques, économiques, sociaux et culturels, assortis de mécanismes de garanties …». Le Mali a souscrit à cette déclaration, qui contient des engagements qu’il se doit de respecter.

Nous sommes indignés parce que la République du Mali ne respecte pas ses engagements! Aucun pays ne peut atteindre un développement durable en marginalisant la moitié de sa population. C’est pourquoi nous vous invitons, Monsieur le Président de la République, Amadou Toumani Touré, Grand défenseur des droits des femmes, Vos sœurs, et des enfants, Vos amis, à ne pas promulguer ce texte, qui a cessé d’être consensuel et qui viole notre Loi fondamentale, la Constitution. Nous lançons également un vibrant appel aux membres de la Cour Constitutionnelle pour qu’ils déclarent le nouveau Code des Personnes et de la Famille du Mali anticonstitutionnel. Nous réaffirmons aussi notre engagement à ne rien faire qui puisse troubler la paix sociale dans notre pays. Convaincus que les lois ne se décrètent pas dans la rue, nous ne l’occuperons pas, nonobstant notre capacité de mobilisation. Nous préférons interpeller nos autorités exécutives et législatives afin qu’elles mesurent toute la portée néfaste pour le Mali, aux plans national et international, du Code des Personnes et de la Famille adopté le 2 décembre 2011 et que, conformément à leurs engagements et à la laïcité proclamée de notre République, elles lui apportent les amendements nécessaires à sa mise en conformité avec les Traités, Conventions et autres instruments juridiques sous-régionaux, régionaux et internationaux signés et ratifiés par le Mali.

L’Espace d’Echanges, de Dialogue et d’ Actions des femmes du Mali

Tuesday 10 January 2012

Mali: Les associations demandent la non-promulgation du Code de la famille

Communiqué de Presse de l’Espace d’échange et de concertation des femmes du Mali

INDIGNONS-NOUS!

Indignons- nous face au nouveau Code des personnes et de la famille, qui vient d'être adopté en seconde lecture par l’Assemblée Nationale, le 2 décembre 2011.

Ce code, qui était censé corriger les discriminations et améliorer le statut de la femme malienne et des enfants maliens, en réduisant les inégalités et en harmonisant les lois internes avec les conventions régionales et internationales ratifiées, a été une véritable déception et un vrai recul en matière de droits humains des femmes et des enfants.

Comment comprendre qu’après la ratification par le Mali des instruments régionaux de protection des droits de la femme, comme le Protocole de Maputo et la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard de la femme, le Mali puisse élaborer un Code des personnes aussi discriminatoire et rétrograde, qui légitime les inégalités? Même les droits qui avaient été acquis depuis 1962 et 1973 ont été remis en cause dans ce nouveau Code des personnes et de la famille. Nous avons ainsi reculé de 50 ans.

Le Mali est donc un Etat qui ratifie les textes régionaux et internationaux pour faire bonne figure et empêche ensuite ses citoyens d’en jouir. Ses dirigeants sont pourtant fiers de clamer que la démocratie malienne est un modèle. Quelle démocratie? Et quel respect des droits de l’homme? Ce code est inique, car il institue de nouvelles discriminations et en légitime d’autres.

Le 3 novembre 2000, à l’issue du Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, les Ministres et Chefs de Délégation des Etats et Gouvernements des pays ayant le Français en partage ont adopté la Déclaration de Bamako. Celle-ci affirme: «la démocratie, pour les citoyens, y compris, parmi eux, les plus pauvres et les plus défavorisés, se juge, avant tout, à l’aune du respect scrupuleux et de la pleine jouissance de tous les droits, civils et politiques, économiques, sociaux et culturels, assortis de mécanismes de garanties …». Le Mali a souscrit à cette déclaration, qui contient des engagements qu’il se doit de respecter.

Indignons-nous, parce que la République du Mali ne respecte pas ses engagements!

Aucun pays ne peut atteindre un développement durable en marginalisant la moitié de sa population. C’est pourquoi nous invitons Monsieur le Président de la République, Amadou Toumani Touré, grand défenseur des droits des femmes, ses sœurs, et des enfants, ses amis, à ne pas promulguer ce texte, qui a cessé d’être consensuel et qui viole notre Loi fondamentale, la Constitution.

Indignons-nous !

L’Espace d’échange et de concertation des femmes du Mali

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