Ory Okolloh est une activiste, avocate et Bloggueuse originaire du Kenya. Diplomée de la pestigieuse université de Harvard, elle occupe actuellement le poste de Policy Manager for Africa chez Google. Elle a participé à plusieurs projets destinés à promouvoir le progrès en Afrique. Elle nous raconte ici à la conférence TED son histoire et celle de sa famille — et comment elle en est arrivée a héroïquement reporter les faits et gestes de la corruption du parlement Kenyan. Son speech et à la fois inspirant et riche en informations pour nous tous africains qui rêvons du changement sur notre continent. Jugez par vous même.
….Je n’ai pas grandi dans un bidonville ou un logement sordide, mais je sais ce que cela fait de grandir sans argent ou sans avoir la possibilité d’aider sa famille.
Comme beaucoup de familles Africaines, mes parents ne pouvaient jamais mettre de l’argent de côté car ils devaient soutenir financierement leurs frères et soeurs, cousins, leurs parents et tout était toujours compliqué. Bon ce qu’il faut savoir, c’est que quand je suis née, ils ont réalisé que j’étais intelligente et donc ils ne voulaient pas que j’aille à l’école du quartier – qui était gratuite - Et donc ils ont suivi une stratégie relativement intéressante vis à vis de l’éducation, c’est à dire m’envoyer dans une école qu’ils pouvaient à peine m’offrir. Donc ils m’ont envoyée dans une école primaire privée catholique qui a posé les bases de ce qui allait devenir le reste de ma carrière.
Et ce qui s’est passé, c’est que comme parfois il pouvaient payer et parfois ils ne pouvaient pas, j’étais mise à la porte presque chaque trimestre. A chaque trimestre, quelqu’un rentrait en classe avec une liste des gens qui n’avaient pas payé la scolarité et comme ils étaient stricts sur cette règle, on était exclus de l’école jusqu’à ce que nos frais soient payés. Et je me souviens avoir pensé, « mais enfin! pourquoi mes parents ne m’envoient-ils pas simplement dans une école moins chère? » Parce que bon, quand on est gamin, on a honte et on est sensible, quand tout le monde sait que vous êtes pauvres… Mais non, mes parents ont continué a m’envoyer dans des écoles chères et maintenant je comprends pourquoi ils ont fait cela.
On parlait tout à l’heure de corruption. Au Kenya, on doit passer un examen pour rentrer au lycée. Et il y a les écoles nationales, qui sont les meilleures, et il y a les écoles de province. L’école dont je rêvais à cette epoque était le Lycée du Kenya, une école nationale. J’ai raté la note minimale d’un point. Et j’étais tellement désemparée, je me disais « Mon Dieu, qu’est ce que je vais faire maintenant? » Et mon pere m’a dit « écoute allons à cette école et parlons à la directrice. C’est juste un point après tout, peut etre qu’elle te laissera entrer s’il reste des places ». Donc on est allé à l’école et parce que nous n’étions pas des gens importants, que nous n’avions aucun privilège et parce que mon père n’avait pas « le bon nom de famille » il s’est fait traiter comme un moins que rien. Et je me souviens m’être assise et entendre la directrice lui dire: « vous vous prenez pour qui ? Vous êtes un rigolo pour penser que vous pourriez avoir une place ». Or, dans mon collège, il y avait d’autres filles, elles étaient filles d’hommes politiques et leurs résultats étaient bien moins bons que les miens mais elles étaient quand même rentrées au Lycée du Kenya. Et il n’y a rien de pire que de voir un de ses parents se faire humilier devant soi. Donc nous sommes partis et je me suis jurée que plus jamais je n’aurais besoin de supplier pour obtenir quelque chose. Deux semaines après l’ecole m’a appelée pour me dire « oui c’est bon vous pouvez intégrer l’ecole ». Et je leur ai dit d’aller se faire voir.
(rire)
Dernière histoire, et là il faut que je me dépêche. La Maladie. Mon père, dont j’ai parlé précédemment, est mort du SIDA en 1999. Il n’avait jamais dit à personne qu’il avait le SIDA car sa peur de la stigmatisation était trop forte. Et je suis plus ou moins celle qui s’en est rendue compte, car bon j’etais à part. J’étais aux Etats-Unis à cette époque et on m’a appelée, pour me dire qu’il était très malade, c’était la première fois qu’il tombait malade à cause de cela. Et il avait la méningite cryptococcale. Donc je suis allée sur Google chercher « méningite cryptococcale », enfin vous voyez. Et a cause du secret medical personne ne pouvait vraiment nous dire ce qui passait. Juste que c’était plus ou moins une maladie à long terme. Donc je suis allée sur internet et j’ai lu plein de choses sur cette maladie, et j’ai plus ou moins realisé ce qui se passait.
La premiere fois où il a chuté, il est allé mieux. Mais le problème c’est qu’il devait être sous traitement et que à cette époque, il prenait du Diflucan, qui aux USA est utilisé pour traiter des maladies comme les mycoses ou les candidoses, et ça coûtait 30 dollars le comprimé. Et il fallait qu’il en prenne jusqu’à la fin de ses jours. Donc évidemment on n’a eu plus d’argent à un moment. Il est retombé malade. Et jusqu’à sa mort il avait un ami qui avait l’habitude de voyager en Inde et qui du coup lui rapportait une version générique du medicament. Ce qui l’aidait à survivre. Mais encore une fois on n’a plus eu d’argent à un moment donné Et il est retombé malade. Sa maladie s’est subitement aggravée un vendredi. Et à cette époque il y avait au Kenya une seule banque qui avait des distributeurs automatiques et on ne pouvait pas retirer d’argent pour qu’il puisse recommencer le traitement avant le lundi suivant. Le dispensaire du quartier l’a donc mis sous perfusion pour le faire tenir pendant 3 jours. Et on s’est finalement dit, OK on peut juste l’emmener dans un hopital public et au moins on le soignera le temps qu’on trouve une solution pour l’argent. Il est mort le temps que l’ambulance arrive pour l’emmener à l’hôpital.
(pause)
Ok. je pourrais encore continuer à raconter ma vie mais imaginez maintenant. Imaginez donc que ce que je viens de vous raconter c’était uniquement ce que vous saviez sur moi? Comment me regarderiez vous? Avec pitié, avec tristesse. Et c’est comme ca que vous voyez l’Afrique. Et ça c’est le plus gros problème. Vous ne voyez pas l’autre partie de mon histoire. Vous ne voyez pas la bloggeuse vous ne voyez pas l’avocate formée a Harvard, la jeune femme qui a réussi et pleine de vie… Et je voulais juste rendre ça un peu plus personnel. Car on parle des problèmes de l’Afrique dans les grandes lignes et vous vous demandez « et puis quoi » ? Mais c’est bien ça le problème. Je ne suis pas la seule dans cette situation. Imaginez si tout ce que vous saviez sur William Kamkwamba était qu’il avait grandi dans un village pauvre. Et si vous ne connaissiez pas l’histoire de l’éolienne? Et moi j’ai été émue — j’ai même pleuré pendant sa présentation. Il disait simplement « ben moi j’essaye, et j’y arrive » Et moi je me disais que Nike devrait l’embaucher, « Just Do It » comme ils disent.
(rires)
Et c’est encore une fois ce que je veux vous prouver c’est que si on se concentre uniquement sur les catastrophes, on oublie de voir le potentiel. Donc maintenant comment résoudre ce problème ?
Premièrement nous Africains, nous devons devenir meilleur à parler de nous. C’est ce qui s’est passé hier. On en a eu d’autres ce matin. Vous savez, tenir un blog est un moyen comme un autre de faire cela. Afrigator est un site rassemblant des blogs Africains qui a été développé en Afrique du Sud. Donc il faut qu’on commence a s’améliorer. Si personne ne veut raconter nos histoires, hé bien, c’est à nous de le faire. Et pour illustrer ce que je voulais dire, voici le Wikipedia Swahili. Le Swahili est une langue parlée par environ 50 millions de personnes en Afrique de l’Est. Il y a seulement 5 participants au site. 4 d’entre eux sont des hommes blancs dont le Swahili n’est pas la langue maternelle, et la 5e personne – Ndesanjo si tu es là, lève toi – vient de Tanzanie et est le premier africain a avoir bloggé en Swahili. Il est le seul Africain à contribuer à Wikipedia.
Mesdames et Messieurs je vous en prie – Nous ne pouvons pas rester là à geindre et à se plaindre « oh l’Occident fait ceci… » Que faisons nous nous même ? Où sont les autres Swahili ? Pourquoi est-ce que nous ne créeons pas nous mêmes nos communautés sur Internet? Se plaindre ça n’avance à rien, ce qu’il faut faire c’est agir. Désormais, Reuters prend en compte les blogs Africains lors de leurs études sur l’Afrique. C’est un début, et nous avons tous entendu parler de leurs autres initiatives….
Mais ce que j’essaye de dire cependant c’est que ça ne sert à rien de critiquer. Et pour vous qui êtes dans la diaspora Africaine et qui vous demandez continuellement, « où devrais-je être? Faudrait-il que je retourne en Afrique ou devrais-je rester ici? » Vous savez, allez-y c’est tout! Le continent a besoin de vous. Et je n’insiste pas assez sur ce point, vous savez! J’ai refusé un boulot dans un des meilleurs cabinets à Washington, Covington et Burling, un salaire à 6 chiffres. Avec 2 ou 3 mois de mon salaire, j’aurais pu résoudre beaucoup des problèmes de ma famille. Mais j’ai refusé cet emploi car ma passion est là. Et parce que je voulais faire des choses qui ont un sens. Et parce que on a besoin de moi ici. Je devrais probablement recevoir une médaille pour « le plus de façons d’utiliser un diplôme en droit de Harvard » étant donné toutes les choses que je fais depuis que je suis diplomée.
Premièrement car je suis relativement agressive et parce que je suis toujours a la recherche d’opportunités. Mais le besoin est là! La plupart de mon temps je suis avocate d’entreprise pour une organisation qui s’appelle Enablis et qui aide les créateurs d’entreprises en Afrique du Sud. On s’étend maintenant en Afrique de l’Est. Et on les aide à développer leurs affaires, mais également à trouver des financements, des prêts. J’ai également developpé un projet au Kenya et ce que l’on y fait c’est qu’on suit la performance des députés au parlement Kenyan. Mon associé, que nous appellerons M, est un peu le génie de la technologie, et il a utilisé WordPress pour créer Mzalendo. Cela nous coûte environ 20 dollars par mois pour l’hébergement. Le reste est du travail passioné. On y a entré manuellement toutes les informations. Et sur ce site vous pouvez accéder au profil de chacun de nos députés, lire les questions qu’ils ont posé en assemblée et suivre leur travail au Parlement. On a même une fonction « commenter » ou les internautes peuvent poser leurs questions aux députés. Certains d’entre eux participent et reviennent et repondent aux questions.
Et en fait on a commencé ce site car on en avait marre de se plaindre de nos politiciens. Vous savez, je pense que la responsabilité vient de la demande. On n’est pas juste responsable parce qu’on en decide ainsi, mais parce que les gens demandent qu’on le soit. Et en tant qu’Africains il faut que l’on commence a remettre nos leaders en question. Que font-ils? Vous savez ils ne vont pas changer du jour au lendemain On a besoin de réformes… Ca vient d’ou ca? L’autre chose c’est que ces representants nous représentent. On parle des gouvernments africains corrompus comme si on les avait lachés de la planete Mars. Non, ils viennent de nous memes. De nos propres communautés. Et on doit se demander quel est le probleme avec notre societe qui fait que nous n’aimions pas nos leaders? Et comment changer cela. Donc Mzalendo etait un bon debut pour que les gens aient envie de rendre leurs leaders responsables Et maintenant on fait quoi? Je crois au pouvoir des idées Au pouvoir de partager nos connaissances
Et j’aimerais tous vous demander quand vous partez d’ici, partagez et échangez les idées que vous avez. Car cela peut faire une difference. Une autre chose que je vous presse de faire est de developper un intéret pour l’individu. J’ai parlé a beaucoup de gens sur ce que je pense devrait être fait en Afrique. Et les gens sont la »ok! et si on fais pas de l’humanitaire? Moi je suis un vrai liberal, qu’est ce que je peux faire? » Et quand je parle de mes idees ils me disent « mais c’est pas mesurable ça! Comment faire ? Donnes moi quelque chose de faisable avec Paypal ». C’est pas facile vous savez! Et parfois, juste s’intéresser à un individu, une personne engagée que vous avez rencontré, un businessman ou un entrepreneur, cela peut faire une énorme difference. Surtout en Afrique. Car généralement en Afrique L’individu supporte beaucoup de personnes sur son dos. Quand j’étais en premiere annee de droit, ma mere a perdu son business, donc je la supportais financièrement. Ma soeur avait du mal a supporter ses etudes donc je lui payais ses frais de scolarite Ma cousine ne pouvait plus payer son école, et elle est brillante donc j’ai payé son école.
Un de mes cousins est mort du SIDA et a laissé un orphelin Donc on s’est dit, on va faire quoi d’elle? Et maintenant elle est ma petite soeur. Et grace a toutes les opportunites qui se sont offertes a moi, je suis capable d’aider tous ces gens Donc ne sous-estimez pas le pouvoir de l’individu. Exemple. Cet homme a changé ma vie. C’est un prof, enseignant a Vanderbilt en post-bac, Mitchell Seligson. Et grace a lui je suis rentrée a la Harvard Law School. Et parce que il a cru en moi. Je suivais son cours et il se disait « Cette etudiante est vraiment trop curieuse. Ce n’est pas quelque chose qu’on a généralement ici parce que tout le monde est cynique et blasé ». Alors, il m’a invité dans son bureau et m’a demandé »tu veux faire quoi toi plus tard? » Moi : « Je veux être avocate ». Et il m’a dit « mais pourquoi? On a pas besoin d’autre avocats aux USA » Et il a essayé de me convaincre du contraire. Mais finalement a dit « ok, j’y connais rien pour rentrer en Ecole de droit Je suis docteur es Sciences Politiques. Mais tu sais quoi? Trouves ce dont tu as besoin et dis moi comment est-ce que je peux t’aider ».
Il m’a demande a quelle école je voulais aller. Et moi a l’epoque – J’etais a l’University de Pittsburgh – l’université c’etait le paradis sur terre compare a ce que j’aurais pu avoir au Kenya. Donc j’ai dit « ben.. je vais postuler a l’universite de Pittsburgh pour faire du droit ». Et il m’a demandé « Pourquoi? tu sais t’es brillante tout ca fonctionne bien pour toi, tu peux faire ce que tu veux ». Et je lui ai dis « ben c’est à coté d’ici, c’est pas cher et puis j’aime bien Pittsburgh! Enfin un peu. » Il m’a dit « C’est la raison la plus stupide jamais entendue pour choisir une école ». Donc il m’a prise sous son aile, il m’a encouragée, m’a dit « ok tu peux rentrer a Harvard tu es suffisamment doué pour ça. Ok? Et si ils te refusent à Harvard, c’est eux qui se seront plantés ». Et il m’a aidée à devenir qui je suis. Et ceci c’est encore juste un exemple.
Vous pouvez rencontrer d’autres personnes ici. Qui ont juste besoin d’etre poussés; poussés pour aller encore plus haut.
Bon, maintenant je veux finir sur ma vision pour l’Afrique. Un jeune homme a parlé hier de l’indignite liée au fait que on quittait le continent pour pouvoir vivre a la hauteur de notre potentiel. Vous savez ma vision c’est que ma fille et n’importe quel autre enfant Africain puisse etre ce qu’elle veut dans la vie sans devoir quitter le continent. Et qu’ils aient la possibilité de surmonter les conditions dans lesquelles ils sont nés. Car si il y a bien une chose que vous tenez pour acquis aux USA, c’est que peu importe là où vous grandissez, vous pouvez en sortir et changer votre condition. C’est pas parce que vous êtes nés au fin fond de l’Arkansas que ça définit qui vous êtes jusqu’à la fin de vos jours. Mais pour beaucoup d’Africains maintenant, où tu vis, où tu es né et dans quelles conditions, tout cela définit le reste de ta vie. J’aimerais que cela change. Et le changement commence avec nous. En tant qu’Africains nous devons etre responsables de notre continent.
Merci beaucoup.
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