dimanche 29 janvier 2012

Naturi Ébène, quand le retour au naturel devient source de bien-être


L’équipe de Bana Mboka a rencontré Naturi Ébène, une jeune femme d’origine Camerounaise et Centrafricaine vivant en France et fondatrice de Mes Recettes Cosmétiques, une structure qui fait déjà parler d’elle depuis quelques années. Et pour cause, Naturi Ébène fait partie des pionnières à avoir lancé le concept « nappy » en France, un néologisme anglais né de l’association des mots « natural » et « happy » et désignant pour la femme noire le fait de porter une chevelure naturelle et crépue. Naturi a crée Cheveux Ébène il y a 7 ans, l’un des premiers forums encourageant le retour au cheveu afro. Au moyen d’échanges et de discussions, les jeunes femmes qui s’y inscrivaient pouvaient directement obtenir les conseils de l’administratrice qui avait elle-même déjà opté pour un retour aux cheveux naturels, partageant ainsi sa propre expérience et divulguant toutes les astuces nécessaires pour abandonner le défrisage et prendre soin de leur cheveu crépu. Très rapidement, Cheveux Ébène deviendra la référence des femmes d’origine africaine au look « nappy » en France. Aujourd’hui, le forum compte plus de 7000 membres avec plus de 100 000 messages postés. Naturi Ébène a donc convaincu des centaines de femmes à retourner au naturel, ce qui l’a conduite à finalement créer le site internet Mes Recettes Cosmétiques afin de centraliser et vulgariser l’information qui à son sens était trop souvent méconnue. Et plus récemment, elle a lancé la boutique en ligne « Mes recettes cosmétiques » où elle met en vente divers produits naturels dont plusieurs sont issus de la pharmacopée africaine afin de permettre aux femmes de confectionner elles-mêmes leurs produits cosmétiques.

Quand Naturi Ébène explique son parcours, elle confie avoir toujours été intéressée par l’histoire du peuple noir. Elle a fréquenté les milieux élitistes afro-centristes parisiens dont elle a régulièrement assisté aux colloques et aux meetings. « Je ne pouvais plus prôner la fierté des nôtres tout en continuant à me dénaturer les cheveux. C’est pourquoi depuis 7 ans j’apporte aide, conseil et accompagnement aux femmes souhaitant enclencher le processus de retour au naturel. Quand j’ai crée Cheveux Ébène, presque rien n’existait et je savais que je n’étais pas la seule à rechercher ce type d’information. » nous raconte t-elle.

Aujourd’hui, Naturi Ébène se consacre à plein temps à son activité et a développé tout un concept de coaching pour assister ces femmes qui souvent se retrouvent inondées d’informations sur internet. Comme elle nous l’explique, sa méthode de coaching est personnalisée selon les besoins de chaque femme et s’effectue en plusieurs phases dans une ambiance conviviale autour d’un verre: « Il y a d’abord ce que j’appelle ‘la transition psychologique’. Il s’agit d’une transition abstraite, d’une phase durant laquelle nous nous questionnons quant à notre motivation d’arrêter le défrisage, d’en comprendre les rouages et pourquoi il est essentiel d’arrêter. Car, malheureusement, dans le monde des nappy il y a une hiérarchie tacite qui vise à propulser le cheveu bouclé plus haut que le cheveu crépu. Quand une fille crépue comprend qu’elle n’aura jamais les cheveux bouclés, car ce n’est pas sa nature, il arrive qu’elle abandonne. Cela est lié à une mauvaise transition psychologique. Voilà pourquoi il est important de se questionner sur ses propres motivations. Puis je leur parle de la transition capillaire qui est la transition concrète. Je leur donne des conseils et des astuces comme ne jamais démêler ses cheveux à sec. Je les incite également à modifier le champ lexical de leur chevelure et à valoriser ce qu’elles ont. En fin de session, nous fabriquons un produit capillaire avec lequel la participante repart. »

Naturi n’a pas uniquement assisté et convaincu les femmes d’origine africaine à abandonner le défrisage. En effet, parmi ses contacts figurent de nombreuses femmes européennes qui ont adopté des enfants noirs ou qui ont des enfants métis mais ne savent pas comment s’occuper des cheveux crépus. Sa longue expérience dans le retour au naturel lui a aussi permis d’analyser et de comprendre pourquoi certaines femmes refusent de porter le cheveu naturel. « Nous avons pour la plupart été défrisées avant d’être naturelles donc nous savons ce qui se passe dans les têtes. Omettre les facteurs de complexe et d’aliénation serait mentir car la plupart d’entre nous a au moins rêvé une fois d’avoir les cheveux lisses comme les Caucasiennes. Le manque d’information joue aussi beaucoup car quand on ne sait pas s’occuper de ses cheveux, et bien, on les défrise » nous révèle Naturi.

Et sur la question de la révolution des mentalités, la jeune femme affirme avoir constaté un réel changement et un véritable engouement de la part des femmes afro-descendantes. Mais elle signale qu’ils ne datent pas d’aujourd’hui et étaient déjà présents à l’époque où le phénomène nappy avait fait son apparition, c’est à dire 7 années plus tôt lorsqu’elle créait son forum. Naturi Ébène avoue constater avec plaisir la création de plusieurs blogs, sites internet ou pages facebook qui aujourd’hui traitent du cheveu crépu, car se dit-elle, son forum a visiblement encouragé et inspiré pas mal de « nappy girls » dans cette démarche.

Cependant, Naturi Ébène ne se limite pas qu’au retour aux cheveux naturels. Il y a 7 ans, en prenant la décision de renoncer au défrisage, elle avait également décidé d’arrêter l’usage de tout produit issu de l’industrie pétrochimique. « Le monde naturel nous offre tant de possibilités. Je savais qu’en Afrique les femmes créaient elles-mêmes leurs cosmétiques et je me suis dite ‘pourquoi pas moi?’ Après de nombreuses recherches j’ai fabriqué mon premier soin, un cérat, c’est à dire un mélange de cire d’abeille, d’huile et d’eau puis j’ai continué. Vu l’engouement des gens qui savaient que je fabriquais seule mes produits cosmétiques, j’ai décidé de partager mes recettes et mon expérience. » déclare t-elle.

Toutefois, le fait pour Naturi Ébène de confectionner ses propres produits ne l’incite pas à décourager celles qui optent plutôt pour les produits industriels. Pour elle, chacun et chacune est libre d’utiliser les produits de son choix mais elle préconise tout de même de le faire de manière avertie et en toute connaissance de cause. Elle nous rappelle que les produits pétrochimiques sont cancérigènes et qu’il suffit de lire les études qui ont été faites concernant leurs utilisations.« Les parabens (conservateurs hautement toxiques) utilisés depuis des décennies viennent juste d’être retirés de la liste des ingrédients mêmes chimiques car trop dangereux. Aujourd’hui de plus en plus de d’hommes et de femmes ont des problèmes de procréations et cela n’est ni anodin ni arrivé comme ça. Il faut vraiment chercher à se rapprocher d’ingrédients sains et naturels. » fait-elle remarquer. Dans sa boutique « Mes recettes cosmétiques » vous trouverez des matières premières cosmétiques telles que des huiles végétales, des beurres végétaux, des actifs cosmétiques, des émulsifiants qui liés ensemble créent de véritables soins. « Je mets un point d’honneur à mettre en avant les produits de la pharmacopée africaine. J’’ai quand-même tenu à me rendre au pays (Cameroun) afin de prendre les enseignements de ma grand-mère et d’autres femmes sur la pharmacopée africaine. » rajoute Naturi.

Et pour clore, notre pionnière du look nappy nous explique son concept et celui de sa boutique Mes recettes cosmétiques: « Mon concept à moi est de rendre les gens autonomes et de leur laisser le choix de fabriquer leurs propres cosmétiques avec de vrais produits actifs. Pour le moment je ne vois pas l’intérêt de créer une énième marque. Dans 10 ans tout le monde connaîtra la cosmétique à faire soi-même. Plus tard, je me vois en train de conquérir le monde et donner ce goût du naturel comme je l’ai fais en France »

Nous souhaitons longue vie à Naturi Ébène et l’encourageons à continuer à contribuer au bien-être des femmes d’origine africaine qui désormais portent fièrement leur chevelure afro et sont très heureuse d’être ce qu’elles sont.

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A propos de l'auteur

Aminatou Sakombi, Rédactrice pour Bana Mboka.

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