La nouvelle constitution en vigueur depuis août 2010 renferme une disposition qui devrait radicalement changer la représentation politique pour les femmes dans ce pays d’Afrique de l’est.
Des défenseurs des droits des femmes au Kenya sont persuadés qu’à la suite de l’article 81 (b), qui stipule que "plus des deux-tiers des membres des organes électoraux publics ne doivent pas être du même sexe", leurs problèmes de sous-représentation dans les organismes gouvernementaux clé deviendront une chose du passé.
Le Kenya est une société patriarcale où les femmes n’ont obtenu des droits égaux pour hériter de la terre que lorsque la nouvelle constitution est entrée en vigueur. Et les femmes qui parlent franchement sont souvent perçues comme des inadaptées sociales.
Par exemple, lorsque feue professeur Wangari Maathai s’était opposée à la construction d’un immeuble de 60 étages dans le ’Uhuru Park’ à Nairobi, les hommes, qui étaient les principaux leaders politiques du gouvernement du président d’alors, Daniel arap Moï, l’avaient qualifiée de folle.
Mais, un changement radical se dessine, parce que désormais les femmes doivent constituer un tiers de tout organe électif public.
Et le principe de deux-tiers d’équilibre entre les sexes a déjà été appliqué dans certaines nominations clé opérées depuis la promulgation de la nouvelle constitution. Dans toutes les commissions et autres institutions constitutionnelles qui ont été formées, cette règle a été respectée.
Pour la première fois au Kenya, indépendant il y a 48 ans, un tiers des membres de la Cour suprême, de la commission d’affectation des recettes, la commission d’application de la constitution et de la commission de la détermination des salaires et des rémunérations est désormais constitué de femmes.
Mais la vraie aubaine viendra avec les élections générales prévues en août.
Dans la nouvelle constitution, le Kenya a adopté un gouvernement décentralisé composé du gouvernement national et des gouvernements de comté. Et au lieu d’une Assemblée nationale constituée d’une seule chambre de 224 membres, il y aura une Assemblée nationale ainsi qu’un Sénat représentant les 47 comtés qui composent le pays. Il y aura également une ’County Assembly’ (une Assemblée par comté).
Dans l’Assemblée nationale, il y a actuellement 210 membres généralement élus, 12 membres nommés par les parties, et le procureur général ainsi que le président de la Chambre des représentants comme membres de droit. Désormais, l’assemblée comptera 290 membres élus, 47 femmes représentant les comtés, et 12 membres nommés, soit un total de 349 membres.
Et le nouveau Sénat sera composé d’une personne élue provenant de chaque comté, ainsi que de 21 membres nommés, y compris au moins 16 femmes, deux membres représentants les jeunes – un homme et une femme ; deux membres représentant les personnes handicapées – encore un homme et une femme ; et un président.
Les 47 représentants des comtés au Sénat sont des membres élus et peuvent être soit des hommes ou des femmes, alors que les membres nommés sont choisis par leurs partis.
La constitution oblige les partis politiques à assurer que sur trois membres de parti présentés pour disputer un poste politique, un soit une femme. Et si elle n’arrive pas à être élue, une femme doit être désignée par le parti.
Les femmes occupent actuellement un peu moins de 10 pour cent des sièges au parlement, avec seulement 22 femmes sur 224 membres – bien que cela soit le nombre le plus élevé jusque-là. Et dans le gouvernement, il n’y a que six femmes sur un total de 40 ministres.
Atteindre l’objectif d’un tiers, plus facile à dire qu’à faire.
Une proposition d’amendement rédigée par le ministre de la Justice, Mutula Kilonzo, offre une formule à adopter au cas où les élections n’arrivent pas à donner le nombre requis de femmes pour s’assurer que plus des deux-tiers des membres du parlement ne sont pas des hommes, comme le stipule l’article 81 (b) de la constitution.
S’il n’y a pas assez de femmes élues et nommées, le projet de loi propose l’augmentation du nombre de législateurs, de 349 à 449, à l’Assemblée nationale, et de 67 à 90 au Sénat.
Ainsi, les contribuables kényans finiraient par payer plus, afin de satisfaire à la règle d’équilibre entre les sexes, au cas où les élections n’arrivent pas à donner 100 femmes plus les 47 qui doivent être nommées pour représenter les comtés.
Le ministre Kilonzo affirme que l’argent ne constitue pas sa préoccupation maintenant. "Si les Kényans ne veulent pas dépenser plus d’argent, ils devraient élire 100 femmes lors des élections, ce qui s’ajoutera aux 18 qui seront au Sénat, et aux 47 qui seront automatiquement élues pour représenter les comtés. Sinon, nous serons obligés de travailler avec cette mesure temporaire pour compléter (le nombre de) femmes".
Accueillie par les femmes
Beaucoup de femmes leaders, aussi bien au gouvernement et dans la société civile, sont contentes de ces dispositions constitutionnelles.
"Nous avons été insultées et avons lutté pour nous imposer dans cette société dominée par les hommes, mais c’est à nous de sortir en grands nombres et d’élire des femmes leaders parce que nous avons beaucoup souffert. Après tout, nous constituons la majorité", souligne Charity Ngilu, ministre de l’Eau, la première femme candidate aux élections présidentielles au Kenya, en 1997. Elle avait été sixième, derrière cinq hommes.
La députée Martha Karua, qui sera candidate à l’élection présidentielle cette année, partage les sentiments de Ngilu. "Les femmes comprennent les problèmes dans ce pays, elles ne sont pas corrompues et elles veulent changer la façon dont le Kenya est gouverné. La constitution est notre tremplin ; laissez-nous l’utiliser pour amener la prospérité à notre pays bien-aimé", a-t-elle déclaré à IPS. (FIN/2012)
Source : IPS ( Protus Onyango)
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