jeudi 22 mars 2012

Violences, droits de l’homme et élections de novembre 2011 (Lignes maîtresses de la conférence donnée à Genève le 15 et le 16 mars 2012)


Mardi, 20 Mars 2012 10:15

En lisant les documents publiés par nos Evêques, par certains prêtres et le CALCC (Comité d’Apostolat des Laïcs Catholiques Congolais) autour du processus électoral tel qu’il s’est déroulé chez nous, un constat se dégage : le triomphe des antivaleurs a créé un malaise politique et social exigeant le retour aux valeurs de courage, de justice, de paix et de vérité pour le juguler. Dans l’écoute mutuelle et dans le dialogue. Il y a des prêtres et des chrétiens qui, eux, prônent une révolution non-violente.

Dès la publication des premiers résultats des élections, le Cardinal Monsengwo a réagi à partir des informations dont il disposait en disant que ces résultats n’étaient conformes ni à la vérité ni à la justice. Dans son Message du 11 janvier 2012 intitulé « Le courage de la vérité », la CENCO note ceci : « Aujourd’hui, il ressort du rapport final de la mission d’observation électorale de la CENCO et des témoignages recueillis de divers diocèses et d’autres sources que le processus électoral s’est déroulé, à beaucoup d’endroits, dans un climat chaotique. L’on a noté plusieurs défaillances, des cas de tricheries avérées et vraisemblablement planifiées, de nombreux incidents malheureux entrainant mort d’hommes, des cafouillages, et, à certains endroits, un climat de terreur entretenu et exploité à dessein pour bourrer les urnes. Ce n’est pas tout. Ce qui se passe présentement au niveau de la compilation des résultats des élections législatives est inacceptable. C’est une honte pour notre pays. » Le Comité d’Apostolat des Catholiques Congolais et ses aumôniers lui ont emboîté le pas et ont exigé l’annulation pure et simple de ces élections. Il s’est organisé pour protester contre les tricheries, les fraudes et les irrégularités en programmant une marche pacifique le 16 février 2012. Il voulait faire d’une pierre deux coups : commémorer les martyrs de la démocratie du 16 février 1992 et exiger l’annulation de ces élections.

Bien qu’étant en ordre avec l’article 26 de la constitution- stipulant que « la liberté de manifestation est garantie. Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air, impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente », le CALCC a vu sa marche pacifique réprimée, les chrétiens, les religieux et les prêtres poursuivis, traqués et arrêtés, même dans les églises.

Cette répression brutale de la manifestation non-violente des chrétiens s’inscrit dans la droite ligne de toute une politique pratiquée dans notre pays au cours de la période pré-électorale (et très bien documenté par le BCNUDH. Mais aussi bien avant. Les élections de 2006 se sont déroulées à peu près dans les mêmes conditions. Un rapport de la FIDH intitulé « République démocratique du Congo. La dérive autoritaire » publié en juillet 2009 à Bruxelles est très instructif sur la violation permanente des droits de l’homme et des libertés fondamentales par les gouvernants de Kinshasa au cours de la période ayant précédé et suivi les élections de 2006.

Disons qu’il s’est créé au Congo (RD) une atmosphère d’impunité faisant de ce pays une jungle où triomphe la loi de la nature. Les différents rapports des experts de l’ONU rédigés à partir des années 94 jusqu’à ce jour en témoignent. A partir de ces rapports, il est possible, de dire aujourd’hui qui a fait quoi et quand.

Le 05 mars 2012, une délégation du Comité permanent de la Conférence Episcopale Nationale du Congo a entrepris une démarche pour aller à la rencontre des acteurs politiques de l’opposition et de la majorité présidentielle. Fidèle à sa mission d’évangélisation et de promotion intégrale de la personne humaine, l’Eglise du Congo tient à inciter ces acteurs politiques à créer des espaces d’écoute mutuelle et de dialogue pour une reconstruction collective de notre pays. Cette noble démarche marque ses limites dans la mesure où elle semble escamoter une bonne partie de notre histoire.

A plusieurs reprises, les compatriotes Congolais en ont appelé à la création d’un TPIC, sans succès. Le dialogue et la reconstruction de notre pays ne devraient pas mettre entre parenthèse les crimes impunis depuis les années 90.Le temps ne serait-il pas venu pour que justice soit réellement rendue aux millions des morts Congolais ?

Penser à une grande Commission Justice, Vérité et Réconciliation dans la sous-région des Grands-Lacs avec des sous-commissions dans chaque pays de cette sous-région est indispensable. Il faut que la vérité soit enfin dite sur la tragédie que connaît cette partie de l’Afrique depuis la chute du mur de Berlin. Que tous les acteurs « apparents » et « majeurs » de cette tragédie répondent de leurs forfaits. Qu’une Réconciliation favorable au panafricanisme des peuples permette enfin la reconstruction de cette Afrique des Grands-Lacs à même de contribuer au renversement des rapports de force dans un monde où dominent les grands ensembles. Mais cela ne pourra être possible sans que les bases solides d’un Etat de droit démocratique soient lancées dans tous les pays de la sous-région impliqués dans la guerre de prédation qui sévit au Congo (RD) depuis 1996.


Lu sur Congo One

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