- Publié le Jeudi 8 mars 2012 18:42
- Écrit par Dorine Ekwè
Faisant face à des injustices sociales et à plusieurs types de violences, les femmes camerounaises célèbrent ce 08 mars 2012 le cœur gros.
Dorine Ekwè
C’est sous le thème «Autonomiser les femmes rurales pour éradiquer la faim et pauvreté », retenu pour l’édition 2012 de la Journée internationale de femme au Cameroun, que, ce 08 mars 2012, des milliers de femmes issues d’univers divers défileront, arborant leurs plus beaux atours, le sourire aux lèvres. Un sourire qui dissimulera très peu les préoccupations de ce groupe qui constitue un peu plus de la moitié de la population camerounaise.
C’est que, la célébration de cette édition 2012 de la journée internationale de la femme intervient dans un contexte social particulier avec, notamment, l’affaire dite du bébé volé de la jeune Vanessa Tchatou qui continue de faire des vagues et continue d’attirer l’attention sur les injustices que vivent les femmes au quotidien.
D’autant que mardi, le procureur de la République en charge de l’affaire a démenti tout lien avec l’enfant de la magistrate et interrompu les tests Adn sur le cadavre du bébé de Nkoteng. Du communiqué de Jean Fils Clébert Ntamack, procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi, on retient que l’enfant de la magistrate Caroline Mejang, n’est pas celui de Vanessa de même que, paradoxe, le cadavre de l’enfant de Nkoteng qui, selon la version du gouvernement, était celui de la jeune mère, lui aussi ne l’est pas. Alors que la jeune mère reste convaincue que son enfant est dans les bras de dame Atangana, des femmes, elles, appellent à plus de justice dans cette affaire et souhaitent manifester leur solidarité, ce jour à la jeune mère et aux autres qui, comme elle, vivent la même situation à Yaoundé et Douala notamment.
A cet effet, Jacqueline Mboui-Jokung appelle les femmes camerounaises à manifester leur solidarité à la jeune femme en s’abstenant de toute manifestation au cours de cette journée. «Plus tôt que de s’abstenir comme certains le soutiennent de participer au défilé de rituel, une protestation collective pourrait adroitement être élaborée», dit-elle. Pour les associations de défense des droits des femmes, cette journée devrait marquer le début de la prise de conscience par les femmes camerounaises quant à la véritable symbolique de cette journée. Ce d’autant que, estiment-elles, le cas Vanessa Tchatou n’est qu’une partie visible de l’iceberg des misères féminines dans le pays. Selon Bertille Mbida de l’Association camerounaise des femmes juristes (Acafej), «beaucoup reste encore à faire pour le bien être de la femme camerounaise. Si à certains moments, on perçoit des blocages au niveau de ces femmes elles-mêmes, il faut reconnaître que le cadre institutionnel et l’environnement social ne leur est pas toujours favorable».
Et David Yana, chercheur à l’Iford-Yaoundé de déplorer dans une enquête le fait qu’au Cameroun, «Les femmes n’accèdent à l’autorité qu’en l’absence de l’homme ou avec son approbation. Pour les adultes interrogés lors de l’enquête, précise-t-il, le rôle de la femme est en définitive de soutenir l’homme dans sa tâche de direction et d’encadrement de la famille, en s’occupant des travaux ménagers, de l’entretien et de la surveillance des enfants, en prévenant les tensions entre les membres de la famille tout en maintenant le statut d’autorité du mari. Nombreux sont les citadins qui insistent sur la nécessaire autorité de l’homme et la place secondaire de celle-ci dans les décisions, comme s’ils voulaient contenir la montée en puissance de l’autonomie féminine dans les activités urbaines», affirme le chercheur.
Selon des estimations, les femmes constituent pour une bonne majorité la force agricole du pays et produisent environ 80 % de toutes les denrées alimentaires. Le taux d’activité économique de cette frange de la population est largement supérieur à celui des hommes. «Malgré ce rôle assez marqué dans la société, déplore le chercheur, les femmes camerounaises continuent de souffrir du manque de reconnaissance légitime de leurs efforts». Selon les résultats présentés par le gouvernement, le taux de scolarisation des femmes au primaire reste remarquablement faible, malgré la mise en application des initiatives internationales comme les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Dans le même temps, le gouvernement reconnait que les progrès en termes de mortalité maternelle sont eux aussi bien inférieurs à ceux recommandés au plan international.
Parallèlement à ces manquements institutionnels, les associations de défense des droits de femmes dénoncent à grand renfort de campagne de sensibilisation les violences physiques et/ou morales faites aux femmes. C’est dans ce contexte que le lundi 05 mars 2012, au siège de la coopération technique allemande (GIZ) à Yaoundé, experts et femmes, notamment des veuves, se sont rencontrés afin de discuter des questions de successions et des rites de veuvage. Il était question, au cours de cet échange, de dénoncer pratiques de succession et des rites de veuvage qui, au Cameroun, restent discriminatoire en l’encontre des femmes. Et alors que des femmes égrainaient leur chapelet de récriminations, Mme Moukouri de l’association des femmes juristes, on reste sur le chemin de la légalité. « Une chose qu’on peut faire pour aider les femmes des villages, c’est de leur dire de rendre légales leurs unions. Dans le cas contraire, elle seront toujours les plaignantes et les victimes » a fait savoir madame Moukouri.
Dorine Ekwè
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