Kazala,
Ne vous fiez pas aux apparences. Les femmes du village de Kazala
ont des gestes doux, des visages agréables, des fillettes dans les jupes et des bébés sur les bras. Elles évoquent les micro crédits qui leur ont permis d’acheter le beurre sur les marchés locaux puis de le revendre en ville, avec de petits bénéfices. Au cours de cette « conversation de communauté » chaque femme évoque ses besoins, ses souffrances, mais décrit aussi ses talents, ce qu’elle pourrait apporter…A première vue, dans ce village du Sud de l’Ethiopie, au cœur de la province de Kembata Tembaro qui s’étend jusqu’au Kenya et compte deux millions d’habitants, il ne s’agît là que d’une réunion comme tant d’autres, où les femmes débattent des meilleures manières de gagner un peu d’argent et de grappiller quelques miettes de pouvoir, de considération…
Méfiez vous cependant de l’allure accorte d’une femme comme Tadebeh Manira, la coordinatrice du groupe, qui nous accueille avec chaleur. Elle a été élue par ses compagnes pour diriger les débats communautaires, mais avant tout, elle dirige la milice de son « kebele » (terme qui, en Ethiopie, désigne la plus petite unité administrative, composée d’environ 500 personnes). Avec six autres volontaires, cette mère de famille organise des patrouilles afin de venir en aide aux femmes maltraitées : « une femme battue par son mari qui avait pris une deuxième épouse a fait appel à nous. Il est aujourd’hui en prison… » «Nous avons aidé une autre femme, devenue veuve, à sauvegarder ses biens dont sa belle famille voulait la déposséder… »
En réalité, la première activité du « commando de femmes » de Kazala, qui ont suivi, entre autres, des cours d’auto défense, est de délivrer les jeunes filles d’une pratique qui, voici dix ans encore, semblait incontournable, enracinée dans une tradition dont tout le monde avait oublié l’origine, les mutilations génitales féminines. Tadebeh se souvient de l’époque où les exciseuses passaient de village en village. Elles s’occupaient des jeunes filles en fin de puberté, tranchaient petites et grandes lèvres ou coupaient les clitoris. Après cette opération, qui donnait lieu par la suite à des réjouissances, les jeunes filles, désormais considérées comme des adultes, étaient jugées prêtes pour le mariage. Les garçons du même âge étaient circoncis, mais souffraient beaucoup moins que les filles, parfois victimes d’hémorragies ou d’infections. Tadebeh se souvient avec horreur dec cette épreuve : « Avant mon mariage, j’ai du passer par là. Je me souviens de l’atroce souffrance d’une opération à vif, de l’indifférence des matrones, qui touchaient 50 birrs (6 euros) pour leur service et surtout du supplice que représentait par la suite chaque accouchement, le bébé ayant peine à passer à travers les chairs mutilées… »
Approuvée par ses compagnes, Tadebeh explique que les temps ont changé : « cette fois, lorsque l’exciseuse s’annonce et que les familles font pression pour que l’opération ait lieu, les jeunes filles s’adressent à nous. Une femme de la milice passe alors la nuit auprès des futures victimes et les aide à résister. Nous expliquons aux familles qu’il s’agît d’une torture, que les filles, par la suite, auront des accouchements difficiles. Aux garçons, nous expliquons qu’il vaut mieux épouser une fille en bonne santé, qui partagera leur plaisir et ne risquera pas l’hémorragie, voire la mort, à chaque accouchement… Nous leur expliquons aussi qu’une fille « entière » accouchera à la maison, sans problèmes, alors qu’une fille excisée entraînera des frais d’hospitalisation… »
ont des gestes doux, des visages agréables, des fillettes dans les jupes et des bébés sur les bras. Elles évoquent les micro crédits qui leur ont permis d’acheter le beurre sur les marchés locaux puis de le revendre en ville, avec de petits bénéfices. Au cours de cette « conversation de communauté » chaque femme évoque ses besoins, ses souffrances, mais décrit aussi ses talents, ce qu’elle pourrait apporter…A première vue, dans ce village du Sud de l’Ethiopie, au cœur de la province de Kembata Tembaro qui s’étend jusqu’au Kenya et compte deux millions d’habitants, il ne s’agît là que d’une réunion comme tant d’autres, où les femmes débattent des meilleures manières de gagner un peu d’argent et de grappiller quelques miettes de pouvoir, de considération…
Méfiez vous cependant de l’allure accorte d’une femme comme Tadebeh Manira, la coordinatrice du groupe, qui nous accueille avec chaleur. Elle a été élue par ses compagnes pour diriger les débats communautaires, mais avant tout, elle dirige la milice de son « kebele » (terme qui, en Ethiopie, désigne la plus petite unité administrative, composée d’environ 500 personnes). Avec six autres volontaires, cette mère de famille organise des patrouilles afin de venir en aide aux femmes maltraitées : « une femme battue par son mari qui avait pris une deuxième épouse a fait appel à nous. Il est aujourd’hui en prison… » «Nous avons aidé une autre femme, devenue veuve, à sauvegarder ses biens dont sa belle famille voulait la déposséder… »
En réalité, la première activité du « commando de femmes » de Kazala, qui ont suivi, entre autres, des cours d’auto défense, est de délivrer les jeunes filles d’une pratique qui, voici dix ans encore, semblait incontournable, enracinée dans une tradition dont tout le monde avait oublié l’origine, les mutilations génitales féminines. Tadebeh se souvient de l’époque où les exciseuses passaient de village en village. Elles s’occupaient des jeunes filles en fin de puberté, tranchaient petites et grandes lèvres ou coupaient les clitoris. Après cette opération, qui donnait lieu par la suite à des réjouissances, les jeunes filles, désormais considérées comme des adultes, étaient jugées prêtes pour le mariage. Les garçons du même âge étaient circoncis, mais souffraient beaucoup moins que les filles, parfois victimes d’hémorragies ou d’infections. Tadebeh se souvient avec horreur dec cette épreuve : « Avant mon mariage, j’ai du passer par là. Je me souviens de l’atroce souffrance d’une opération à vif, de l’indifférence des matrones, qui touchaient 50 birrs (6 euros) pour leur service et surtout du supplice que représentait par la suite chaque accouchement, le bébé ayant peine à passer à travers les chairs mutilées… »
Approuvée par ses compagnes, Tadebeh explique que les temps ont changé : « cette fois, lorsque l’exciseuse s’annonce et que les familles font pression pour que l’opération ait lieu, les jeunes filles s’adressent à nous. Une femme de la milice passe alors la nuit auprès des futures victimes et les aide à résister. Nous expliquons aux familles qu’il s’agît d’une torture, que les filles, par la suite, auront des accouchements difficiles. Aux garçons, nous expliquons qu’il vaut mieux épouser une fille en bonne santé, qui partagera leur plaisir et ne risquera pas l’hémorragie, voire la mort, à chaque accouchement… Nous leur expliquons aussi qu’une fille « entière » accouchera à la maison, sans problèmes, alors qu’une fille excisée entraînera des frais d’hospitalisation… »
Dans cette région qui compte 48% de protestants et 25% de musulmans, Boge Bogalech, la femme qui connaît la Bible par cœur, assène d’autres arguments encore aux pasteurs et aux imans : « je leur explique que c’est Dieu qui a créé la femme telle qu’elle est. Complète, intacte. Et je leur demande de quel droit eux les hommes voudraient modifier l’œuvre de Dieu, vouloir faire mieux que celui qui a dit « et il vit que cela était bon… »
Lorsqu’elle décida de revenir en Ethiopie après une carrière scientifique aux Etats Unis Boge Bogalech affichait des objectifs modestes : « si je sauve au moins une fille, je n’aurai pas perdu mon temps… »Aujourd’hui, 97% des filles de la province échappent aux mutilations génitales que les vieilles femmes appelaient « enlever la saleté » mais les « rites de passage » ont été maintenus pour les filles de 16 à 18 ans: « aux mêmes périodes qu’autrefois, le temps des récoltes d’août à septembre, nous célébrons avec des fleurs et des cadeaux l’accession des filles à l’âge adulte. Mais les jeunes filles forment aussi des groupes qui s’enorgueillissent d’être intactes. Elles sont fières, à l’inverse de leurs mères, de pouvoir trouver un mari qui les apprécie… »
Les mariages de filles « non coupées » donnent lieu à des réjouissances publiques, et servent d’exemple aux autres.
En moins d’une génération, Boge a imprimé au sud de l’Ethiopie une véritable révolution, dans sa région natale mais aussi dans les provinces voisines: « lorsque je suis partie aux Etats Unis, au début des années 80, la pratique de l’excision était généralisée, nul n’aurait songé à la mettre en cause. Aujourd’hui, quinze ans après mon retour, les femmes ont pris conscience de leurs droits, elles s’organisent sur le plan économique, avec des succès tels que les hommes aussi veulent faire partie de nos groupes… »
Mince, énergique, Boge Bogaletch, a gardé sa rapidité de coureuse de fond même si plusieurs accidents de voiture entravent parfois ses mouvements. Non contente de lutter contre les mutilations génitales, elle veut que ses compatriotes prennent conscience de leurs capacités et de leurs droits de citoyennes. « Lorsque je vivais aux Etats Unis, j’ai été bouleversée, indignée, non seulement par les famines récurrentes qui accablaient mon pays, mais aussi par l’image de dépendance qui était donnée. Je ne supportais plus de voir ces mains tendues, ces files de gens résignés qui attendaient les distributions de nourriture… Alors que ma sœur Fikrite, aujourd’hui décédée, se consacrait aux problèmes de l’accès à l’eau, moi, je me suis concentrée sur l’éducation des femmes, sur la santé reproductive, la prévention du HIV et la lutte contre les mutilations génitales. »
Aux Etats Unis comme auparavant en Israël, Boge Bogaletch , une femme à la peau noire, a aussi connu la discrimination, parfois ouverte, parfois subtile, « il y a des quartiers où je n’aimais pas faire du shopping, on y vérifiait systématiquement mon sac… »Elle s’est frottée aux mouvements féministes et s’est imprégnée des principes de l’action positive. Au début des années 90, n’y tenant plus, elle est rentrée au pays, avec en poche toutes ses économies, soit 5000 dollars, une somme destinée à soutenir des projets de soutien aux femmes.
Ses initiatives, ses propos ne ressemblaient en rien aux discours des missionnaires ou aux actions des organisations non gouvernementales qui pullulaient dans un pays frappé par la sécheresse et la famine. « Dès mon arrivée dans mon village natal, j’ai entrepris de réunir les familles, de mener des discussions ouvertes à tous. Il s’agissait de discuter des besoins, certes, mais aussi d’évaluer les atouts.
Je leur ai demandé ce qu’ils pouvaient déposer dans la balance. Leur capital moral, leur culture et leurs traditions, leur force de travail…Lorsque les gens me répondaient « nous n’avons rien », je rétorquais qu’en plus de leur capacité de travail, ils avaient une rivière et de l’eau en abondance, de l’air non pollué, de la terre à cultiver, un savoir faire et de l’expérience… De réels atouts qui étaient souvent négligés par les développeurs qui amenaient leur savoir faire de l’extérieur…»
De ce contact avec la réalité, les priorités du départ se trouvent bouleversées :« alors que je ne songeais qu’à aider les femmes, j’ai pris le temps d’écouter les gens de mon village. Et il est apparu que ce qui était important pour eux, c’était de construire un pont sur la rivière et d’ouvrir la route. Désenclavés, ils allaient pouvoir vendre leurs produits sur les marchés voisins, envoyer leurs enfants à l’école, circuler plus facilement…Le choix a été vite fait : mes 5000 dollars, j’allais les consacrer à construire le pont, le reste allait venir par la suite… »
La confiance ayant ainsi été nouée, Boge fonde en 1999 son association, KMG (Kembatti Mentti Gezzima), (centre d’auto promotion des femmes) et elle se lance dans plusieurs programmes : lutte contre les mutilations génitales, mais aussi micro crédit, construction de centres communautaires. Elle obtient aussi la confiance des « intouchables », qui ont le même statut que les Pygmée »s en Afrique centrale : dans le sud de l’Ethiopie, ces tribus marginalisées et méprisées ne peuvent posséder de terres. Vivant aux abords des villages, ces populations qui ne cultivent pas vivent surtout de la poterie. Boge les appelle les « mains d’or » et les a lancé dans des projets d’artisanat.
Infatigable, la lauréate du prix Roi Baudouin nous emmène à Kacchabira, un hameau où des femmes, avec une patience infinie modèlent et font briller de hauts pots de terre qui ont la couleur des collines.
Le savoir faire des femmes est indéniable, mais Boge les apostrophe, leur apprend à commercialiser, voire à marchander : « vous vendez à un prix trop bas, vous devez calculer le temps que vous consacrez à chaque poterie… » Les femmes rient, augmentent leur prix et, comme pour se faire pardonner, nous offrent quelques brins de thyms et d’herbes odoriférantes…Dans le village suivant, des femmes sont réunies, pour discuter de la meilleure manière de lutter contre la propagation du HIV. Elles comparent les moyens de prévention et nous assurent : « aujourd’hui que nous avons compris comment la maladie se propage, nous savons aussi que nous sommes nos propres médecins, que c’est à nous de prendre les précautions nécessaires… »
A Yebu, au pied de la montagne sacrée d’Ambachiro, où naissent les sources qui irriguent la province, Boge a créé une pépinière où croissent des plants de café, mais aussi de jeunes arbres qui seront plantés sur les terrasses afin de lutter contre l’érosion. Dans cette région très peuplée, où la densité de population dépasse les 450 personnes au km2, les autorités ont consenti à céder des parcelles à l’entreprenante Boge, qui développe ici des cultures expérimentales, construit là un centre communautaire, ou ailleurs une cafétaria.
Jusqu’à la capitale provinciale Awassa, les projets de KMG se multiplient et ils modifient peu à peu le visage du Sud de l’Ethiopie, qui fut longtemps l’une des régions les moins touchées par le développement.
Grâce au prix de 150.000 euros qu’elle recevra à Bruxelles, et surtout grâce aux portes que lui ouvrira la Fondation Roi Baudouin Boge entend consolider les projets existants mais surtout aller plus loin encore avec les femmes : au-delà de la lutte contre les mutilations génitales, pratiquement terminée, et des projets communautaires, elle rêve dorénavant de permettre aux filles de son pays de suivre son propre itinéraire, de les amener sur le chemin des sciences. Son prochain projet ? Fonder une université technique destinée aux femmes
.http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2013/06/06/grace-a-boge-bogaletch-les-femmes-ethiopiennes-refusent-lexcision/
Les mariages de filles « non coupées » donnent lieu à des réjouissances publiques, et servent d’exemple aux autres.
En moins d’une génération, Boge a imprimé au sud de l’Ethiopie une véritable révolution, dans sa région natale mais aussi dans les provinces voisines: « lorsque je suis partie aux Etats Unis, au début des années 80, la pratique de l’excision était généralisée, nul n’aurait songé à la mettre en cause. Aujourd’hui, quinze ans après mon retour, les femmes ont pris conscience de leurs droits, elles s’organisent sur le plan économique, avec des succès tels que les hommes aussi veulent faire partie de nos groupes… »
Mince, énergique, Boge Bogaletch, a gardé sa rapidité de coureuse de fond même si plusieurs accidents de voiture entravent parfois ses mouvements. Non contente de lutter contre les mutilations génitales, elle veut que ses compatriotes prennent conscience de leurs capacités et de leurs droits de citoyennes. « Lorsque je vivais aux Etats Unis, j’ai été bouleversée, indignée, non seulement par les famines récurrentes qui accablaient mon pays, mais aussi par l’image de dépendance qui était donnée. Je ne supportais plus de voir ces mains tendues, ces files de gens résignés qui attendaient les distributions de nourriture… Alors que ma sœur Fikrite, aujourd’hui décédée, se consacrait aux problèmes de l’accès à l’eau, moi, je me suis concentrée sur l’éducation des femmes, sur la santé reproductive, la prévention du HIV et la lutte contre les mutilations génitales. »
Aux Etats Unis comme auparavant en Israël, Boge Bogaletch , une femme à la peau noire, a aussi connu la discrimination, parfois ouverte, parfois subtile, « il y a des quartiers où je n’aimais pas faire du shopping, on y vérifiait systématiquement mon sac… »Elle s’est frottée aux mouvements féministes et s’est imprégnée des principes de l’action positive. Au début des années 90, n’y tenant plus, elle est rentrée au pays, avec en poche toutes ses économies, soit 5000 dollars, une somme destinée à soutenir des projets de soutien aux femmes.
Ses initiatives, ses propos ne ressemblaient en rien aux discours des missionnaires ou aux actions des organisations non gouvernementales qui pullulaient dans un pays frappé par la sécheresse et la famine. « Dès mon arrivée dans mon village natal, j’ai entrepris de réunir les familles, de mener des discussions ouvertes à tous. Il s’agissait de discuter des besoins, certes, mais aussi d’évaluer les atouts.
Je leur ai demandé ce qu’ils pouvaient déposer dans la balance. Leur capital moral, leur culture et leurs traditions, leur force de travail…Lorsque les gens me répondaient « nous n’avons rien », je rétorquais qu’en plus de leur capacité de travail, ils avaient une rivière et de l’eau en abondance, de l’air non pollué, de la terre à cultiver, un savoir faire et de l’expérience… De réels atouts qui étaient souvent négligés par les développeurs qui amenaient leur savoir faire de l’extérieur…»
De ce contact avec la réalité, les priorités du départ se trouvent bouleversées :« alors que je ne songeais qu’à aider les femmes, j’ai pris le temps d’écouter les gens de mon village. Et il est apparu que ce qui était important pour eux, c’était de construire un pont sur la rivière et d’ouvrir la route. Désenclavés, ils allaient pouvoir vendre leurs produits sur les marchés voisins, envoyer leurs enfants à l’école, circuler plus facilement…Le choix a été vite fait : mes 5000 dollars, j’allais les consacrer à construire le pont, le reste allait venir par la suite… »
La confiance ayant ainsi été nouée, Boge fonde en 1999 son association, KMG (Kembatti Mentti Gezzima), (centre d’auto promotion des femmes) et elle se lance dans plusieurs programmes : lutte contre les mutilations génitales, mais aussi micro crédit, construction de centres communautaires. Elle obtient aussi la confiance des « intouchables », qui ont le même statut que les Pygmée »s en Afrique centrale : dans le sud de l’Ethiopie, ces tribus marginalisées et méprisées ne peuvent posséder de terres. Vivant aux abords des villages, ces populations qui ne cultivent pas vivent surtout de la poterie. Boge les appelle les « mains d’or » et les a lancé dans des projets d’artisanat.
Infatigable, la lauréate du prix Roi Baudouin nous emmène à Kacchabira, un hameau où des femmes, avec une patience infinie modèlent et font briller de hauts pots de terre qui ont la couleur des collines.
Le savoir faire des femmes est indéniable, mais Boge les apostrophe, leur apprend à commercialiser, voire à marchander : « vous vendez à un prix trop bas, vous devez calculer le temps que vous consacrez à chaque poterie… » Les femmes rient, augmentent leur prix et, comme pour se faire pardonner, nous offrent quelques brins de thyms et d’herbes odoriférantes…Dans le village suivant, des femmes sont réunies, pour discuter de la meilleure manière de lutter contre la propagation du HIV. Elles comparent les moyens de prévention et nous assurent : « aujourd’hui que nous avons compris comment la maladie se propage, nous savons aussi que nous sommes nos propres médecins, que c’est à nous de prendre les précautions nécessaires… »
A Yebu, au pied de la montagne sacrée d’Ambachiro, où naissent les sources qui irriguent la province, Boge a créé une pépinière où croissent des plants de café, mais aussi de jeunes arbres qui seront plantés sur les terrasses afin de lutter contre l’érosion. Dans cette région très peuplée, où la densité de population dépasse les 450 personnes au km2, les autorités ont consenti à céder des parcelles à l’entreprenante Boge, qui développe ici des cultures expérimentales, construit là un centre communautaire, ou ailleurs une cafétaria.
Jusqu’à la capitale provinciale Awassa, les projets de KMG se multiplient et ils modifient peu à peu le visage du Sud de l’Ethiopie, qui fut longtemps l’une des régions les moins touchées par le développement.
Grâce au prix de 150.000 euros qu’elle recevra à Bruxelles, et surtout grâce aux portes que lui ouvrira la Fondation Roi Baudouin Boge entend consolider les projets existants mais surtout aller plus loin encore avec les femmes : au-delà de la lutte contre les mutilations génitales, pratiquement terminée, et des projets communautaires, elle rêve dorénavant de permettre aux filles de son pays de suivre son propre itinéraire, de les amener sur le chemin des sciences. Son prochain projet ? Fonder une université technique destinée aux femmes
.http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2013/06/06/grace-a-boge-bogaletch-les-femmes-ethiopiennes-refusent-lexcision/
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