Honorée lors de la soirée, Lupita Nyong’o (nominée aux Oscars) s’est exprimée devant un parterre d’invités comprenant entre autres Oprah Winfrey, Kerry Washington ou encore Angela Bassett.
Lupita Nyongo'o (a gauche : au Women In Film Pre-Oscar Cocktail Party et a droite au 7ème dîner annuel des « Femmes noires à Hollywood », organisé par le magazine afro-américain ESSENCE)
Lors de son discours, l’actrice a évoqué la difficulté qu’elle a eu à accepter sa couleur de peau et comment elle en est arrivée à s’aimer telle qu’elle est aujourd’hui. Retrouvez plus bas l’extrait de son discours:
"Je voudrais profiter de cette opportunité pour parler de beauté, la beauté noire, la beauté foncée. J’ai reçu une lettre d’une fille et j’aimerais partager un extrait avec vous: « Chère Lupita, je pense que tu as vraiment beaucoup de chance d’être aussi noire et d’avoir du succès à Hollywood malgré tout en aussi peu de temps. Je m’apprêtais à acheter la crème éclaircissante « Whitenicious » (commercialisée par la chanteuse Dencia) pour m’éclaircir la peau, jusqu’à ce que tu apparaisses aux yeux du monde et m’en empêche. »
Mon coeur a saigné en lisant ces mots, je n’aurais jamais imaginé que mon premier boulot en sortant d’école serait aussi puissant qu’il ferait de moi l’incarnation de l’espoir, tout comme l’ont été les femmes de l’oeuvre « The Color Purple » pour moi.
Je me souviens de l’époque où moi aussi, je ne me sentais pas belle. Quand j’allumais la télévision, je ne voyais que des peaux pâles, on se moquait de moi parce que mon teint était aussi sombre que la nuit. Ma seule prière à Dieu, le faiseur de miracles, était que je me lève le matin avec une peau plus claire. Le lendemain matin, j’étais si pressée de voir ma nouvelle couleur de peau que je ne me regardais même pas avant de me retrouver devant un miroir. Et tous les jours, c’était la même déception: j’étais aussi sombre que le jour d’avant. J’ai essayé de négocier avec Dieu, je lui ai dit que j’arrêterais de voler les cubes en sucre la nuit s’il me donnait ce que je voulais, que j’écouterais tout ce que ma mère me dirait, que je ne perdrais plus jamais le pull de mon école s’il me rendait plus claire de peau. Mais je suppose que mes propositions n’impressionnaient pas vraiment Dieu parce qu’il ne m’a jamais écouté.
Quand je suis devenue adolescente, je me détestais encore plus, comme vous pouvez l’imaginer. Ma mère me rappelait souvent qu’elle me trouvait belle mais ça ne comptait pas, c’est ma mère, bien sûr qu’elle est censée me trouver belle. Et puis…. Alek Wek arriva.
Un mannequin qu’on célébrait, elle était aussi noire que la nuit, elle était sur tous les podiums et dans tous les magazines. Tout le monde parlait de sa beauté. Même Oprah Winfrey la trouvait belle et ça en faisait quelque chose de vrai. Je n’arrivais pas à croire que les gens trouvaient belle une femme qui me ressemblait autant. Le teint de ma peau avait toujours été un obstacle à surmonter et tout d’un coup, Oprah me disait que ça ne l’était pas. J’étais perplexe et je voulais m’y opposer car j’avais déjà commencé à profiter de la séduction qu’il y a dans l’inadéquation. Mais une fleur avait déjà commencé à grandir en moi depuis que j’avais vu Alek, elle était mon reflet et je ne pouvais pas le nier.
J’avais désormais du ressort, parce que je me sentais plus remarquée, plus appréciée par les lointains gardiens des portes de la beauté. Mais autour de moi, les choses n’avaient pas changé, je n’étais toujours pas belle. Et ma mère me répétait encore qu’on ne pouvait pas manger la beauté, que ce n’était pas quelque chose qui nous nourrit. Ces mots me dérangeaient, je ne les comprenais pas jusqu’à ce que je réalise que la beauté n’est pas quelque chose qui s’acquiert ou s’achète, c’est quelque chose qu’il faut juste être.
Et ce que ma mère voulait dire par « on ne mange pas la beauté » c’est qu’on ne peut pas dépendre de ce à quoi on ressemble pour exister. Ce qui est fondamentalement beau c’est la compassion pour soi-même et ceux qui vous entourent. Ce type de beauté enflamme votre coeur et enchante votre âme. C’est ce qui a créé tant d’ennuis entre Patsey* (personnage qu'elle incarne dans le film "12 year a slave") et son maître, mais c’est aussi ce qui a fait que son histoire soit encore connue jusqu’aujourd’hui. On se souvient de la beauté de son esprit même après que la beauté de son corps ait disparu.
J’espère donc que ma présence sur les écrans et dans les magazines puisse, chère jeune fille, te mener sur le même chemin. Que tu ressentiras l’acceptation de ta beauté extérieure mais aussi, que tu travailleras à être belle de l’intérieur.
Il n’y a aucune honte dans la beauté noire."
Source : fashizblack.com