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vendredi 3 février 2012
SANTE-FEMMES: 50% d’avortements non médicalisés dans le monde
Mathilde Bagneres
NEW YORK, 23 janvier (IPS) - Selon une récente étude, la proportion d’avortements non médicalisés est passée de 44% en 1995 à environ 49% en 2009.
Publiée à Londres, l’étude intitulée « Induced Abortion : Incidence and Trends Worldwide from 1995 to 2008 » (L’avortement provoqué: incidence et tendances mondiales entre 1995 et 2008) et menée par le Guttmacher Institute en collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), montre que le taux mondial d’avortements, qui était de 28 pour 1.000 en 2008, est resté virtuellement inchangé depuis 2003.
Cependant, on a recensé 2,2 millions d’avortements supplémentaires en 2008 (43,8 millions) par rapport à 2003 (41,6 millions). Cette augmentation s’explique par la croissance de la population mondiale. Depuis 2003, le nombre d’avortements a diminué de 0,6 million dans les pays développés, mais il a augmenté de 2,8 millions dans les pays en voie de développement.
Selon un rapport de l’OMS datant de mars 2011, l’avortement non médicalisé est l’une des trois principales causes de mortalité, avec les hémorragies et les infections contractées durant l’accouchement.
« Le nombre d’avortements non médicalisés est passé de 19,7 millions en 2003 à 21,6 millions en 2008 », a déclaré à l’agence IPS le Dr. Iqbal Shah du Département Santé et recherche génésiques de l’OMS (Genève) et co-auteur de l’étude.
Selon lui, « à l’origine, ces chiffres ont grimpé à cause de l’absence de corrélation entre la croissance de la population de femmes en âge de procréer (15-44 ans), une augmentation de la prise de contraceptifs et un meilleur accès à l’avortement médicalisé ».
Il ajoute que « l’on peut affirmer avec certitude que le taux d’avortements non médicalisés, de 14 pour 1.000 femmes (14-44 ans), n’a pas diminué entre 2003 et 2008 ».
Les chercheurs ont découvert qu’environ 50% des avortements dans le monde relèvent de procédures non médicalisées et que la plupart d’entre eux sont pratiqués dans les pays en voie de développement. Ces avortements « clandestins » mettent en danger la santé et la vie de millions de femmes et d’adolescentes.
L’OMS définit l’avortement non médicalisé comme une interruption de grossesse pratiquée par un prestataire non qualifié et/ou dans des conditions sanitaires inappropriées.
Le Dr. Shah a également insisté sur le fait que la stagnation du taux d’avortements non médicalisés peut être expliquée par deux facteurs principaux : un taux de contraception qui reste faible et un accès encore difficile à l’avortement médicalisé.
L’étude indique néanmoins que certains pays tentent de s’attaquer à ce problème, notamment en Afrique australe et dans le centre et le sud de l’Asie.
Comme l’a expliqué à l’agence IPS le Dr. Gilda Sedgh du Guttmacher Institute, co-auteur de l’étude, « De tous les pays en voie de développement, c’est l’Afrique du Sud qui pratique les avortements les plus sûrs ».
« Après que la législation n’a été libéralisée en 1997, de nombreux prestataires ont été formés à pratiquer les avortements et des services d’avortements ont été mis en place au sein des infrastructures publiques. Entre 1994 et 2000, le nombre de décès dus aux avortements non médicalisés a chuté de 90% ». « Il est arrivé, entre 1995 et 2008, que le taux d’avortements en Afrique australe (région qui comprend en grande partie l’Afrique du Sud) passe de 19 à 15 avortements pour 1.000 femmes âgées de 15 à 44 ans», ajoute le Dr. Sedgh. "L’Afrique australe fait donc figure d’exception avec le taux d’avortements le plus faible du continent. En outre, c’est également dans cette région que le taux de contraception a augmenté le plus significativement, entre 1990 et 2009".
L’avortement reste un problème épineux et il est toujours illégal dans de nombreux pays en développement.
« Tant les partisans que les opposants à l’avortement sont en faveur d’une diminution du nombre d’avortements. Les parties prenantes dans ce débat pourraient aider à réduire le nombre d’avortements, qu’ils soient médicalisés ou non, en adoptant des mesures qui assurent au femmes l’accès aux services du planning familial afin qu’elle puissent éviter les grossesses non désirées ».
« Les études montrent que, pour être vraiment efficaces, ces services doivent non seulement fournir des contraceptifs, mais également des renseignements et des conseils afin d’aider les femmes à bien utiliser leur moyens de contraception », affirme également le Dr. Sedgh.
Interrogé sur l’impact d’un accès plus large aux contraceptifs sur la diminution du taux d’avortements, le Dr. Shah a déclaré « qu’un accès étendu aux moyens de contraception, et surtout aux méthodes modernes de contraception, est essentiel dans la diminution du taux d’avortements. Les pays dans lesquels on a recours aux méthodes de contraception modernes présentent des taux d’avortements des plus faibles ».
Il ajoute que « fournir aux plannings familiaux ces moyens de contraception modernes pour les femmes désirant arrêter d’avoir des enfants ou attendre avant d’en avoir peut réduire le taux d’avortements. Ces nouveaux contraceptifs peuvent également réduire de 90% le nombre de décès dus aux avortements non médicalisés ».
« Nos conclusions sur le taux d’avortements dans les sous régions ainsi que les estimations des Nations Unies sur les taux et les tendances de contraception sont autant de preuves selon lesquelles l’utilisation de contraceptifs est l’un des indices essentiels en ce qui concerne le taux d’avortements », a expliqué Sedgh à l’agence IPS. « Lorsque l’utilisation de contraceptifs est élevée, le taux d’avortement est faible ».
Dans leur rapport, les auteurs concluent que « les lois restrictives sur l’avortement ne sont pas associées à des taux plus faibles ».
« La mise en place de mesures en vue de réduire la fréquence des grossesses non désirées et des avortements non médicalisés, comprenant des investissements dans les services de planning familial et les soins d’avortement médicalisé sont des étapes cruciales pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement ».
Les Dr. Beverly Winikoff et Wendy R. Sheldon du Gynuity Health Projects de New York ont declaré : « L’étude démontre que c’est précisément dans les endroits où l’avortement est illégal qu’il doit être médicalisé. La communauté de santé publique ne sera pas en mesure de réduire le taux de mortalité et il est peu probable que nous atteignons les Objectifs du Millénaire pour le Développement tant que nous ne nous attaquerons pas sérieusement au problème de l’avortement non médicalisé ».
« Ces derniers chiffres sont très alarmants. Les progrès fait dans les années 1990 sont aujourd’hui en recul », a déploré lors d’un communiqué le Dr. Richard Horton, éditeur de la revue médicale britannique, The Lancet, qui a publié l’étude.
Il a ajouté qu'« il est urgent que tous les pays ainsi que les organisations spécialisées en matière de santé, telles que l’OMS, prennent les mesures nécessaires afin de réduire le nombre d’avortements ».
« La condamnation, la stigmatisation et la criminalisation de l’avortement sont autant de stratégies cruelles et inefficaces. Il est temps maintenant d’accueillir une démarche de santé publique qui mette un point d’honneur à diminuer la mortalité et qui entraîne dans son sillage des lois plus libérales sur l’avortement », conclut le spécialiste.
(FIN/IPS/2012)
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