Un autre regard de la femme noir dans tous les aspects de la vie à travers les livres , les articles, les interview et les documentaires."La femme africaine n'est ni un reflet de l'homme ni une esclave. Elle n'éprouve aucun besoin d'imiter l'homme pour exprimer sa personnalité. C'est une civilisation originale qu'elle secrète par son travail. son génie propre, ses préoccupations, son langage et ses mœurs" Albertine Tshibilondi Ngoyi
jeudi 20 juin 2013
Tanzanie: les écolières veulent étudier, pas se marier!
mis à jour le
Tanzanie: les écolières veulent étudier, pas se marier!
Dans le sud de la Tanzanie, les élèves se rebellent contre les unions imposées par leurs parents.
«Arrêtez de nous marier de force!». C’est le cri du cœur des élèves du district de Sumbawanga, dans un message adressé à Iddy Kimanta, Commissaire Régional de Rukwa (région du sud-ouest du pays). Elles accusent leurs parents de les retirer de l’école dans le but de les marier pour obtenir l’argent de la dot, rapporte le Tanzania Daily News.
La maltraitance et la déscolarisation des filles se généralisent dans la région, selon le quotidien. Le mariage et la grossesse sont les premières causes d’abandon des études. Mais l’article explique que lorsqu’elles ne doivent pas convoler contre leur gré, les parents les retirent tout de même de l’école pour qu’elles s’occupent des tâches ménagères de la maison. D’autres parents ordonnent à leurs filles de trouver un emploi pour subvenir aux besoins de la famille: les plus chanceuses trouvent un poste de serveuse mais certaines n’ont pas d’autre choix que de devenir domestiques pour les plus riches, ajoute le journal. Enfin, quelques unes tombent dans le monde de la prostitution et deviennent la proie des prédateurs sexuels, déplore le site.
L’âge légal du mariage pour les filles est de 15 ans mais dans certaines conditions l’union peut être autorisée à partir de 12 ans. L’article précise que la tradition des mariages d’enfants est ancrée depuis plusieurs générations dans de nombreuses ethnies (Wamasai, Wakurya, Wahehe…). Mais cette pratique est à l’origine de graves complications de grossesse chez les très jeunes mères en dessous de 15 ans, souligne le quotidien. Sans aide médicale, les jeunes parturientes peuvent rester jusqu’à 5 jours en travail pour finalement accoucher d’un bébé mort-né. D’après le journal, elles en garderont des séquelles, généralement une incontinence chronique causée par des tissus endommagés.
L’UNESCO a déjà lancé une initiative pour aider ces adolescentes mais l’article annonce également que lors d’un rassemblement dans le village de Kanondo, les habitants ont appelé à une intervention du gouvernement en faveur de ces écolières qui se voient refuser l’accès à l’éducation par leurs parents. Selon le quotidien, le Commissaire régional s’est dit «furieux» de ces pratiques qu’il juge illégales et a promis que les parents encouraient le «courroux de la loi».
Lu sur Tanzania Daily News
Yityish Aynaw, la première Miss israélienne noire
mis à jour le
Yityish Aynaw, la première Miss israélienne noire
Portrait de Yityish Aynaw, la première femme d'origine africaine à être élue Miss Israël
Elle incarne l'espoir d'une société israélienne plus juste et plus tolérante. Yityish Aynaw est devenue, à l'âge de 21 ans, la première femme d'origine africaine à être élue Miss Israël. Elue en février dernier, la jeune femme voyage à travers le monde et fait ainsi connaître la communauté éthiopienne d'Israël.
La jeune Miss israélienne est née à Chahawit, un petit village dans le nord de l'Ethiopie, près de la ville de Gondar. Yityish Aynaw était très jeune quand elle a perdu ses deux parents. Esseulée et fatiguée, elle part vivre avec sesgrands-parents juifs éthiopiens en Israël.
«Ce voyage m'a sauvé, dit-elle. J'étais profondément blessée, je voulais fuir l'Ethiopie et oublier tout ce qui s'était passé et aller de l'avant», a-t-elle ajouté.
Comme les quelque 125.000 juifs éthiopiens qui, par vague, ont rejoint Israël, Aynaw a su se battre pour s'intégrer dans son pays d'accueil. L'apprentissage de l'hébreux et son service militaire de trois ans ont été des étapes déterminantes, rappelle le site CNN.
Après son service militaire, dont la jeune femme dit avoir beaucoup appris, elle raconte avoir travaillé dans un magasin de vêtements. Un jour, sans la prévenir, ses amis l'inscrivent pour concourir à l'élection de Miss Israël. En février, c'est la consécration. Yityish Aynaw fait la une de tous les journaux. Elle est même invitée à la table de Barack Obama lors de sa visite officielle au mois de mars.
Certains ont vu dans son élection un signe positif pour les millions de migrants africains qui vivent sur le sol israélien. Les mesures récemment prises par le gouvernment ne vont pas dans ce sens. La dernière en date: le transfert de milliers d'Africains dans un pays d'Afrique dont le nom n'a pas été mentionné.
Lu sur CNN
Slate Afrique
vendredi 7 juin 2013
Congo: Pygmy Women Leader And Environmental Activist Appointed Minister In South Kivu
By Kris Berwouts
June 5, 2013
On June 5th, Governor Marcellin Chisambo announced a reshuffle of the government of the Congolese province of South Kivu. Three weeks ago, three ministers were thrown out following a motion of no confidence in the provincial Parliament. One of the new ministers is Adolphine Byayuwa Muley, 42 years old. She will lead the ministry of environment and agriculture.
Adolphine Muley has, since 2000, led a local organization for the empowerment of Pygmy and Twa women – Union pour l’émancipation de la femme autochtone (UEFA). Mrs Muley, who was born in Bunyakiri in the north of the province, comes from a family with its roots in the Twa community.
Forests
UEFA originally worked on humanitarian and developmental issues but became active in advocacy, initially in the field of sexual violence but also in the struggle for the transparent exploitation of Congo’s forests, which play a decisive role in the continuation of pygmy culture and survival mechanisms.
As secretary-general of UEFA, Mrs Muley took up several mandates in national platforms of Pygmy organizations and consultation forums between the government and civil society on ecological themes like forestry and climate. She participated in many international meetings that brought together delegates of indigenous communities from across the world. In the past few years, she has increasingly become active in international lobbying work on climate change.
Politics
In 2006, she decided to step into the political arena and participated in the provincial elections as an independent candidate. Despite solid support (more than 9,000 votes) she was not elected. The electoral system favoured candidates who presented themselves on the list of political parties and it was very difficult for independent candidates to be elected. Although not many other candidates in South Kivu had more votes than her, Mrs Muley did not become deputy in the provincial assembly.
In order to increase her chances of participating in political debate, she decided in 2009 to prepare for the 2011 elections as part of a political family. After a long consultation process with the community and its customary chiefs, she joined President Kabila’s PPRD. For the (rather chaotic) elections of November 2011, she stood as a candidate for the Parliament but was not elected; but now she is to be rewarded for her expertise and commitment with ministerial responsibilities in South Kivu.
Democracy from below
For many years, civil society organisations in Congo pleaded for a consolidation of democracy from below, through decentralization and the organization of local elections. The electoral agenda of 2006 skipped the local elections, which reduced the institutional architecture of democracy in Congo to a building with a heavy roof and no walls, which as any architects will confirm, is not very solid. Only free and fair elections at the local level can provide these walls.
Participatory governance can only restore the state’s credibility and contribute to the renewal of a political landscape if it is a bottom up process. It is difficult today to forecast what space Mrs Muley will have to establish her own policies and have a real impact; co-opting grassroots militants into the government does not fulfil the dream of democracy from below. Yet at this stage, it might be a good start; but only if credible local elections will follow as planned.
Kris Berwouts has, over the last 25 years, worked for a number of different Belgian and international NGOs focused on building peace, reconciliation, security and democratic processes. Until recently, he was the Director of EurAc, the network of European NGOs working for advocacy on Central Africa. He now works as an independent expert on Central Africa.
BOge Bogaletch, la fille qui avait appris la Bible par coeur
Dans le verger de son enfance, les arbres ont grandi, la maison a été consolidée. C’est avec émotion que Gebre Bogaletch, Boge pour ses amis, nous amène ici, dans ce petit village où ses souvenirs sont intacts. Jadis, lorsqu’elle revenait de l’école des missionnaires où, tôt le matin, elle apprenait à lire, son grand oncle lui confiait un ballot de foin ou un fagot de bois qu’elle avait pour tâche de ramener à la maison. Son enfance s’est passée au milieu de ces collines fertiles, densément peuplées. Rien, à priori, ne distinguait la petite paysanne de ses compagnes, vouées, comme elle, aux tâches ménagères et aux rites imposés aux femmes de cette région de Kembatta, l’excision dès la puberté, le mariage conclu après un simulacre ou un enlèvement. Boge, comme tant d’autres, ignore la date exacte de sa naissance, elle est passée entre les mains de l’exciseuse, elle a porté l’eau et le bois et veillé sur ses jeunes frères et sœurs. Mais la gamine, très vite, a compris qu’elle était différente : « rien d’autre ne m’intéressait qu’apprendre à lire. Lorsque mon cousin est revenu de l’école avec une ardoise couverte de lettres et de chiffres, j’ai passé la nuit à la déchiffrer, à l’apprendre par cœur. Après quelques jours, je pouvais écrire mon nom. Mon père était fier, certes, mais il aurait préféré constater de telles dispositions chez son fils… »
Les parents de Boge n’ayant rien prévu pour emmener leur fille à l’école, le grand oncle, discrètement, conduit la gamine à la mission où durant quelques heures chaque matin, en plus de la religion orthodoxe, on lui apprend les rudiments de l’écriture en amharique. Sans se vanter, Boge, qui jouit d’une intelligence photographique (elle retient automatiquement tout ce qu’elle lit…), se rappelle qu’en peu d’années elle avait épuisé toutes les capacités de l’école missionnaire et achevé le cycle primaire. Ses parents s’étant résignés à la voir étudier, elle bénéficie d’une bourse qui la conduit dans la seule pension pour filles d’Addis Abeba. Une fois de plus, elle brûle les étapes, passant d’une année à l’autre.
« J’avais 17 ans » se souvient-elle, « lorsque se présenta l’occasion de participer à un tournoi portant sur la connaissance des Livres saints. Comme je n’avais eu que la Bible comme lecture, je la connaissais par cœur et c’est sans difficulté, devant les rabbins et les exégètes chevronnés, que j’ai remporté le concours. Ce succès me valut une bourse pour l’Université hébraïque de Jerusalem. En arrivant en Israël, je m’attendais à trouver « le lait et le miel » dont il est question dans la Bible, mais le pays était sec, les gens me regardaient de haut, moi, une jeune Africaine noire. Je me mis à l’étude de l’hébreu et six mois plus tard je me retrouvai à même de passer des examens dans cette langue.… Après avoir terminé mon premier cycle universitaire, je décrochai une bourse Fullbright qui me conduisit à la faculté des Sciences de l’Université du Massachusetts, où je me suis spécialisée en micro biologie et en physiologie, étudiant plus particulièrement la trypanosomiase. Par la suite, c’est à l’Université de Californie que j’allais terminer mon PH D en travaillant sur la leichmaniose avec une équipe de chercheurs. »
Durant ses quinze années de chercheuse aux Etats Unis, celle qui est devenue de Dr Bogaletch et qui, entre temps a fait venir sa jeune sœur, ne perd pas le contact avec son pays natal, et elle sait qu’un jour elle retrouvera le verger de son enfance.
Les images de la famine en Ethiopie, en 1984-85, viennent chambouler la scientifique : « ces photos qui, par la suite, devaient obtenir le prix Pulitzer, ont réellement « impacté » ma vie. Ma sœur et moi avons discuté de ce que nous pourrions faire. Fikrite, qui était aussi bonne cuisinière que commerciale avisée, mit au point une sauce originale, conditionne en sachets, qu’elle vendait pour récolter de l’argent. Moi, je me suis mise à courir, me faisant sponsoriser pour participer à plusieurs marathons, à Los Angeles et ailleurs. Sur mon T shirt j’avais écrit « si mon peuple sait marcher 400 km pour chercher de l’eau, moi je peux courir 26 miles et vous allez m’aider… »
Peu à peu, le Dr Bogaletch se détache des Etats Unis. Son cœur est en Ethiopie, elle multiplie les conférences, les collectes de fonds et de livres, envoie 350.000 ouvrages dans son pays d’origine. En 1997, n’y tenant plus, elle décide finalement de rentrer au pays.
Son objectif ? Regagner son village natal, et changer la vie des femmes. Développer l’éducation, le micro crédit, et surtout lutter contre l’excision.
« Je me disais que si j’arrivais à empêcher une seule femme d’être excisée, cela valait la peine.. »
Dix ans plus tard, 97% de la population de Kembatta assure être opposée aux mutilations sexuelles tandis que 20.000 femmes et quelques hommes, bien décidées à s’opposer à ces pratiques traditionnelles, participent aux activités des « clubs des non coupées ».
Lorsque Boge revient avec nous dans le verger de son enfance, les hommes du village sont une fois encore réunis sous le figuier, le lieu où se discutent les décisions importantes. Ils hèlent celle que tous appellent désormais la « dame de fer », partagent leurs soucis. La citerne du village, où l’eau arrive par gravité, a des fuites et on a besoin de son aide. Boge promet de revenir, de rechercher une solution. « Pour que les hommes m’écoutent quand je parle des droits de leurs femmes, il faut aussi que je sois attentive à leurs problèmes, à leurs priorités… Si l’on ne prend pas en compte les besoins que les gens expriment, le développement est impossible. Avant d’agir, il faut écouter… »
Grâce à Boge Bogaletch, les femmes ethiopiennes refusent l’excision
Kazala,
Ne vous fiez pas aux apparences. Les femmes du village de Kazala
ont des gestes doux, des visages agréables, des fillettes dans les jupes et des bébés sur les bras. Elles évoquent les micro crédits qui leur ont permis d’acheter le beurre sur les marchés locaux puis de le revendre en ville, avec de petits bénéfices. Au cours de cette « conversation de communauté » chaque femme évoque ses besoins, ses souffrances, mais décrit aussi ses talents, ce qu’elle pourrait apporter…A première vue, dans ce village du Sud de l’Ethiopie, au cœur de la province de Kembata Tembaro qui s’étend jusqu’au Kenya et compte deux millions d’habitants, il ne s’agît là que d’une réunion comme tant d’autres, où les femmes débattent des meilleures manières de gagner un peu d’argent et de grappiller quelques miettes de pouvoir, de considération…
Méfiez vous cependant de l’allure accorte d’une femme comme Tadebeh Manira, la coordinatrice du groupe, qui nous accueille avec chaleur. Elle a été élue par ses compagnes pour diriger les débats communautaires, mais avant tout, elle dirige la milice de son « kebele » (terme qui, en Ethiopie, désigne la plus petite unité administrative, composée d’environ 500 personnes). Avec six autres volontaires, cette mère de famille organise des patrouilles afin de venir en aide aux femmes maltraitées : « une femme battue par son mari qui avait pris une deuxième épouse a fait appel à nous. Il est aujourd’hui en prison… » «Nous avons aidé une autre femme, devenue veuve, à sauvegarder ses biens dont sa belle famille voulait la déposséder… »
En réalité, la première activité du « commando de femmes » de Kazala, qui ont suivi, entre autres, des cours d’auto défense, est de délivrer les jeunes filles d’une pratique qui, voici dix ans encore, semblait incontournable, enracinée dans une tradition dont tout le monde avait oublié l’origine, les mutilations génitales féminines. Tadebeh se souvient de l’époque où les exciseuses passaient de village en village. Elles s’occupaient des jeunes filles en fin de puberté, tranchaient petites et grandes lèvres ou coupaient les clitoris. Après cette opération, qui donnait lieu par la suite à des réjouissances, les jeunes filles, désormais considérées comme des adultes, étaient jugées prêtes pour le mariage. Les garçons du même âge étaient circoncis, mais souffraient beaucoup moins que les filles, parfois victimes d’hémorragies ou d’infections. Tadebeh se souvient avec horreur dec cette épreuve : « Avant mon mariage, j’ai du passer par là. Je me souviens de l’atroce souffrance d’une opération à vif, de l’indifférence des matrones, qui touchaient 50 birrs (6 euros) pour leur service et surtout du supplice que représentait par la suite chaque accouchement, le bébé ayant peine à passer à travers les chairs mutilées… »
Approuvée par ses compagnes, Tadebeh explique que les temps ont changé : « cette fois, lorsque l’exciseuse s’annonce et que les familles font pression pour que l’opération ait lieu, les jeunes filles s’adressent à nous. Une femme de la milice passe alors la nuit auprès des futures victimes et les aide à résister. Nous expliquons aux familles qu’il s’agît d’une torture, que les filles, par la suite, auront des accouchements difficiles. Aux garçons, nous expliquons qu’il vaut mieux épouser une fille en bonne santé, qui partagera leur plaisir et ne risquera pas l’hémorragie, voire la mort, à chaque accouchement… Nous leur expliquons aussi qu’une fille « entière » accouchera à la maison, sans problèmes, alors qu’une fille excisée entraînera des frais d’hospitalisation… »
ont des gestes doux, des visages agréables, des fillettes dans les jupes et des bébés sur les bras. Elles évoquent les micro crédits qui leur ont permis d’acheter le beurre sur les marchés locaux puis de le revendre en ville, avec de petits bénéfices. Au cours de cette « conversation de communauté » chaque femme évoque ses besoins, ses souffrances, mais décrit aussi ses talents, ce qu’elle pourrait apporter…A première vue, dans ce village du Sud de l’Ethiopie, au cœur de la province de Kembata Tembaro qui s’étend jusqu’au Kenya et compte deux millions d’habitants, il ne s’agît là que d’une réunion comme tant d’autres, où les femmes débattent des meilleures manières de gagner un peu d’argent et de grappiller quelques miettes de pouvoir, de considération…
Méfiez vous cependant de l’allure accorte d’une femme comme Tadebeh Manira, la coordinatrice du groupe, qui nous accueille avec chaleur. Elle a été élue par ses compagnes pour diriger les débats communautaires, mais avant tout, elle dirige la milice de son « kebele » (terme qui, en Ethiopie, désigne la plus petite unité administrative, composée d’environ 500 personnes). Avec six autres volontaires, cette mère de famille organise des patrouilles afin de venir en aide aux femmes maltraitées : « une femme battue par son mari qui avait pris une deuxième épouse a fait appel à nous. Il est aujourd’hui en prison… » «Nous avons aidé une autre femme, devenue veuve, à sauvegarder ses biens dont sa belle famille voulait la déposséder… »
En réalité, la première activité du « commando de femmes » de Kazala, qui ont suivi, entre autres, des cours d’auto défense, est de délivrer les jeunes filles d’une pratique qui, voici dix ans encore, semblait incontournable, enracinée dans une tradition dont tout le monde avait oublié l’origine, les mutilations génitales féminines. Tadebeh se souvient de l’époque où les exciseuses passaient de village en village. Elles s’occupaient des jeunes filles en fin de puberté, tranchaient petites et grandes lèvres ou coupaient les clitoris. Après cette opération, qui donnait lieu par la suite à des réjouissances, les jeunes filles, désormais considérées comme des adultes, étaient jugées prêtes pour le mariage. Les garçons du même âge étaient circoncis, mais souffraient beaucoup moins que les filles, parfois victimes d’hémorragies ou d’infections. Tadebeh se souvient avec horreur dec cette épreuve : « Avant mon mariage, j’ai du passer par là. Je me souviens de l’atroce souffrance d’une opération à vif, de l’indifférence des matrones, qui touchaient 50 birrs (6 euros) pour leur service et surtout du supplice que représentait par la suite chaque accouchement, le bébé ayant peine à passer à travers les chairs mutilées… »
Approuvée par ses compagnes, Tadebeh explique que les temps ont changé : « cette fois, lorsque l’exciseuse s’annonce et que les familles font pression pour que l’opération ait lieu, les jeunes filles s’adressent à nous. Une femme de la milice passe alors la nuit auprès des futures victimes et les aide à résister. Nous expliquons aux familles qu’il s’agît d’une torture, que les filles, par la suite, auront des accouchements difficiles. Aux garçons, nous expliquons qu’il vaut mieux épouser une fille en bonne santé, qui partagera leur plaisir et ne risquera pas l’hémorragie, voire la mort, à chaque accouchement… Nous leur expliquons aussi qu’une fille « entière » accouchera à la maison, sans problèmes, alors qu’une fille excisée entraînera des frais d’hospitalisation… »
Dans cette région qui compte 48% de protestants et 25% de musulmans, Boge Bogalech, la femme qui connaît la Bible par cœur, assène d’autres arguments encore aux pasteurs et aux imans : « je leur explique que c’est Dieu qui a créé la femme telle qu’elle est. Complète, intacte. Et je leur demande de quel droit eux les hommes voudraient modifier l’œuvre de Dieu, vouloir faire mieux que celui qui a dit « et il vit que cela était bon… »
Lorsqu’elle décida de revenir en Ethiopie après une carrière scientifique aux Etats Unis Boge Bogalech affichait des objectifs modestes : « si je sauve au moins une fille, je n’aurai pas perdu mon temps… »Aujourd’hui, 97% des filles de la province échappent aux mutilations génitales que les vieilles femmes appelaient « enlever la saleté » mais les « rites de passage » ont été maintenus pour les filles de 16 à 18 ans: « aux mêmes périodes qu’autrefois, le temps des récoltes d’août à septembre, nous célébrons avec des fleurs et des cadeaux l’accession des filles à l’âge adulte. Mais les jeunes filles forment aussi des groupes qui s’enorgueillissent d’être intactes. Elles sont fières, à l’inverse de leurs mères, de pouvoir trouver un mari qui les apprécie… »
Les mariages de filles « non coupées » donnent lieu à des réjouissances publiques, et servent d’exemple aux autres.
En moins d’une génération, Boge a imprimé au sud de l’Ethiopie une véritable révolution, dans sa région natale mais aussi dans les provinces voisines: « lorsque je suis partie aux Etats Unis, au début des années 80, la pratique de l’excision était généralisée, nul n’aurait songé à la mettre en cause. Aujourd’hui, quinze ans après mon retour, les femmes ont pris conscience de leurs droits, elles s’organisent sur le plan économique, avec des succès tels que les hommes aussi veulent faire partie de nos groupes… »
Mince, énergique, Boge Bogaletch, a gardé sa rapidité de coureuse de fond même si plusieurs accidents de voiture entravent parfois ses mouvements. Non contente de lutter contre les mutilations génitales, elle veut que ses compatriotes prennent conscience de leurs capacités et de leurs droits de citoyennes. « Lorsque je vivais aux Etats Unis, j’ai été bouleversée, indignée, non seulement par les famines récurrentes qui accablaient mon pays, mais aussi par l’image de dépendance qui était donnée. Je ne supportais plus de voir ces mains tendues, ces files de gens résignés qui attendaient les distributions de nourriture… Alors que ma sœur Fikrite, aujourd’hui décédée, se consacrait aux problèmes de l’accès à l’eau, moi, je me suis concentrée sur l’éducation des femmes, sur la santé reproductive, la prévention du HIV et la lutte contre les mutilations génitales. »
Aux Etats Unis comme auparavant en Israël, Boge Bogaletch , une femme à la peau noire, a aussi connu la discrimination, parfois ouverte, parfois subtile, « il y a des quartiers où je n’aimais pas faire du shopping, on y vérifiait systématiquement mon sac… »Elle s’est frottée aux mouvements féministes et s’est imprégnée des principes de l’action positive. Au début des années 90, n’y tenant plus, elle est rentrée au pays, avec en poche toutes ses économies, soit 5000 dollars, une somme destinée à soutenir des projets de soutien aux femmes.
Ses initiatives, ses propos ne ressemblaient en rien aux discours des missionnaires ou aux actions des organisations non gouvernementales qui pullulaient dans un pays frappé par la sécheresse et la famine. « Dès mon arrivée dans mon village natal, j’ai entrepris de réunir les familles, de mener des discussions ouvertes à tous. Il s’agissait de discuter des besoins, certes, mais aussi d’évaluer les atouts.
Je leur ai demandé ce qu’ils pouvaient déposer dans la balance. Leur capital moral, leur culture et leurs traditions, leur force de travail…Lorsque les gens me répondaient « nous n’avons rien », je rétorquais qu’en plus de leur capacité de travail, ils avaient une rivière et de l’eau en abondance, de l’air non pollué, de la terre à cultiver, un savoir faire et de l’expérience… De réels atouts qui étaient souvent négligés par les développeurs qui amenaient leur savoir faire de l’extérieur…»
De ce contact avec la réalité, les priorités du départ se trouvent bouleversées :« alors que je ne songeais qu’à aider les femmes, j’ai pris le temps d’écouter les gens de mon village. Et il est apparu que ce qui était important pour eux, c’était de construire un pont sur la rivière et d’ouvrir la route. Désenclavés, ils allaient pouvoir vendre leurs produits sur les marchés voisins, envoyer leurs enfants à l’école, circuler plus facilement…Le choix a été vite fait : mes 5000 dollars, j’allais les consacrer à construire le pont, le reste allait venir par la suite… »
La confiance ayant ainsi été nouée, Boge fonde en 1999 son association, KMG (Kembatti Mentti Gezzima), (centre d’auto promotion des femmes) et elle se lance dans plusieurs programmes : lutte contre les mutilations génitales, mais aussi micro crédit, construction de centres communautaires. Elle obtient aussi la confiance des « intouchables », qui ont le même statut que les Pygmée »s en Afrique centrale : dans le sud de l’Ethiopie, ces tribus marginalisées et méprisées ne peuvent posséder de terres. Vivant aux abords des villages, ces populations qui ne cultivent pas vivent surtout de la poterie. Boge les appelle les « mains d’or » et les a lancé dans des projets d’artisanat.
Infatigable, la lauréate du prix Roi Baudouin nous emmène à Kacchabira, un hameau où des femmes, avec une patience infinie modèlent et font briller de hauts pots de terre qui ont la couleur des collines.
Le savoir faire des femmes est indéniable, mais Boge les apostrophe, leur apprend à commercialiser, voire à marchander : « vous vendez à un prix trop bas, vous devez calculer le temps que vous consacrez à chaque poterie… » Les femmes rient, augmentent leur prix et, comme pour se faire pardonner, nous offrent quelques brins de thyms et d’herbes odoriférantes…Dans le village suivant, des femmes sont réunies, pour discuter de la meilleure manière de lutter contre la propagation du HIV. Elles comparent les moyens de prévention et nous assurent : « aujourd’hui que nous avons compris comment la maladie se propage, nous savons aussi que nous sommes nos propres médecins, que c’est à nous de prendre les précautions nécessaires… »
A Yebu, au pied de la montagne sacrée d’Ambachiro, où naissent les sources qui irriguent la province, Boge a créé une pépinière où croissent des plants de café, mais aussi de jeunes arbres qui seront plantés sur les terrasses afin de lutter contre l’érosion. Dans cette région très peuplée, où la densité de population dépasse les 450 personnes au km2, les autorités ont consenti à céder des parcelles à l’entreprenante Boge, qui développe ici des cultures expérimentales, construit là un centre communautaire, ou ailleurs une cafétaria.
Jusqu’à la capitale provinciale Awassa, les projets de KMG se multiplient et ils modifient peu à peu le visage du Sud de l’Ethiopie, qui fut longtemps l’une des régions les moins touchées par le développement.
Grâce au prix de 150.000 euros qu’elle recevra à Bruxelles, et surtout grâce aux portes que lui ouvrira la Fondation Roi Baudouin Boge entend consolider les projets existants mais surtout aller plus loin encore avec les femmes : au-delà de la lutte contre les mutilations génitales, pratiquement terminée, et des projets communautaires, elle rêve dorénavant de permettre aux filles de son pays de suivre son propre itinéraire, de les amener sur le chemin des sciences. Son prochain projet ? Fonder une université technique destinée aux femmes
.http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2013/06/06/grace-a-boge-bogaletch-les-femmes-ethiopiennes-refusent-lexcision/
Les mariages de filles « non coupées » donnent lieu à des réjouissances publiques, et servent d’exemple aux autres.
En moins d’une génération, Boge a imprimé au sud de l’Ethiopie une véritable révolution, dans sa région natale mais aussi dans les provinces voisines: « lorsque je suis partie aux Etats Unis, au début des années 80, la pratique de l’excision était généralisée, nul n’aurait songé à la mettre en cause. Aujourd’hui, quinze ans après mon retour, les femmes ont pris conscience de leurs droits, elles s’organisent sur le plan économique, avec des succès tels que les hommes aussi veulent faire partie de nos groupes… »
Mince, énergique, Boge Bogaletch, a gardé sa rapidité de coureuse de fond même si plusieurs accidents de voiture entravent parfois ses mouvements. Non contente de lutter contre les mutilations génitales, elle veut que ses compatriotes prennent conscience de leurs capacités et de leurs droits de citoyennes. « Lorsque je vivais aux Etats Unis, j’ai été bouleversée, indignée, non seulement par les famines récurrentes qui accablaient mon pays, mais aussi par l’image de dépendance qui était donnée. Je ne supportais plus de voir ces mains tendues, ces files de gens résignés qui attendaient les distributions de nourriture… Alors que ma sœur Fikrite, aujourd’hui décédée, se consacrait aux problèmes de l’accès à l’eau, moi, je me suis concentrée sur l’éducation des femmes, sur la santé reproductive, la prévention du HIV et la lutte contre les mutilations génitales. »
Aux Etats Unis comme auparavant en Israël, Boge Bogaletch , une femme à la peau noire, a aussi connu la discrimination, parfois ouverte, parfois subtile, « il y a des quartiers où je n’aimais pas faire du shopping, on y vérifiait systématiquement mon sac… »Elle s’est frottée aux mouvements féministes et s’est imprégnée des principes de l’action positive. Au début des années 90, n’y tenant plus, elle est rentrée au pays, avec en poche toutes ses économies, soit 5000 dollars, une somme destinée à soutenir des projets de soutien aux femmes.
Ses initiatives, ses propos ne ressemblaient en rien aux discours des missionnaires ou aux actions des organisations non gouvernementales qui pullulaient dans un pays frappé par la sécheresse et la famine. « Dès mon arrivée dans mon village natal, j’ai entrepris de réunir les familles, de mener des discussions ouvertes à tous. Il s’agissait de discuter des besoins, certes, mais aussi d’évaluer les atouts.
Je leur ai demandé ce qu’ils pouvaient déposer dans la balance. Leur capital moral, leur culture et leurs traditions, leur force de travail…Lorsque les gens me répondaient « nous n’avons rien », je rétorquais qu’en plus de leur capacité de travail, ils avaient une rivière et de l’eau en abondance, de l’air non pollué, de la terre à cultiver, un savoir faire et de l’expérience… De réels atouts qui étaient souvent négligés par les développeurs qui amenaient leur savoir faire de l’extérieur…»
De ce contact avec la réalité, les priorités du départ se trouvent bouleversées :« alors que je ne songeais qu’à aider les femmes, j’ai pris le temps d’écouter les gens de mon village. Et il est apparu que ce qui était important pour eux, c’était de construire un pont sur la rivière et d’ouvrir la route. Désenclavés, ils allaient pouvoir vendre leurs produits sur les marchés voisins, envoyer leurs enfants à l’école, circuler plus facilement…Le choix a été vite fait : mes 5000 dollars, j’allais les consacrer à construire le pont, le reste allait venir par la suite… »
La confiance ayant ainsi été nouée, Boge fonde en 1999 son association, KMG (Kembatti Mentti Gezzima), (centre d’auto promotion des femmes) et elle se lance dans plusieurs programmes : lutte contre les mutilations génitales, mais aussi micro crédit, construction de centres communautaires. Elle obtient aussi la confiance des « intouchables », qui ont le même statut que les Pygmée »s en Afrique centrale : dans le sud de l’Ethiopie, ces tribus marginalisées et méprisées ne peuvent posséder de terres. Vivant aux abords des villages, ces populations qui ne cultivent pas vivent surtout de la poterie. Boge les appelle les « mains d’or » et les a lancé dans des projets d’artisanat.
Infatigable, la lauréate du prix Roi Baudouin nous emmène à Kacchabira, un hameau où des femmes, avec une patience infinie modèlent et font briller de hauts pots de terre qui ont la couleur des collines.
Le savoir faire des femmes est indéniable, mais Boge les apostrophe, leur apprend à commercialiser, voire à marchander : « vous vendez à un prix trop bas, vous devez calculer le temps que vous consacrez à chaque poterie… » Les femmes rient, augmentent leur prix et, comme pour se faire pardonner, nous offrent quelques brins de thyms et d’herbes odoriférantes…Dans le village suivant, des femmes sont réunies, pour discuter de la meilleure manière de lutter contre la propagation du HIV. Elles comparent les moyens de prévention et nous assurent : « aujourd’hui que nous avons compris comment la maladie se propage, nous savons aussi que nous sommes nos propres médecins, que c’est à nous de prendre les précautions nécessaires… »
A Yebu, au pied de la montagne sacrée d’Ambachiro, où naissent les sources qui irriguent la province, Boge a créé une pépinière où croissent des plants de café, mais aussi de jeunes arbres qui seront plantés sur les terrasses afin de lutter contre l’érosion. Dans cette région très peuplée, où la densité de population dépasse les 450 personnes au km2, les autorités ont consenti à céder des parcelles à l’entreprenante Boge, qui développe ici des cultures expérimentales, construit là un centre communautaire, ou ailleurs une cafétaria.
Jusqu’à la capitale provinciale Awassa, les projets de KMG se multiplient et ils modifient peu à peu le visage du Sud de l’Ethiopie, qui fut longtemps l’une des régions les moins touchées par le développement.
Grâce au prix de 150.000 euros qu’elle recevra à Bruxelles, et surtout grâce aux portes que lui ouvrira la Fondation Roi Baudouin Boge entend consolider les projets existants mais surtout aller plus loin encore avec les femmes : au-delà de la lutte contre les mutilations génitales, pratiquement terminée, et des projets communautaires, elle rêve dorénavant de permettre aux filles de son pays de suivre son propre itinéraire, de les amener sur le chemin des sciences. Son prochain projet ? Fonder une université technique destinée aux femmes
.http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2013/06/06/grace-a-boge-bogaletch-les-femmes-ethiopiennes-refusent-lexcision/